Blaise
Pascal Pensées
1
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242.
que Dieu s’est voulu cacher. S’il n’y
avait qu’une religion Dieu y serait bien manifeste.
S’il n’y avait des martyrs qu’en notre religion
de même. Dieu étant ainsi caché toute
religion qui ne dit pas que Dieu est caché n’est
pas véritable, et toute religion qui n’en rend
pas la raison n’est pas instruisante. La nôtre
fait tout cela.
243.
la religion païenne est sans fondement. La religion
mahométane a pour fondement l’alcoran, et Mahomet.
Mais ce prophète qui devait être la dernière
attente du monde a (-t-) il été prédit ?
Et quelle marque a (-t-) il que n’ait aussi tout homme
qui se voudra dire prophète. Quels miracles dit-il
lui-même avoir faits ? Quel mystère a
(-t-) il enseigné selon sa tradition même ?
Quelle morale et quelle félicité ! La
religion juive doit être regardée différemment.
Dans la tradition des livres saints et dans la tradition
du peuple. La morale et la félicité en est
ridicule dans la tradition du peuple mais elle est admirable
dans celle de leurs saints. Le fondement en est admirable.
C’est le plus ancien livre du monde et le plus authentique
et au lieu que Mahomet pour faire subsister le sien a défendu
de le lire, Moïse pour faire subsister le sien a ordonné
à tout le monde de le lire. Et toute religion est
de même. Car la chrétienne est bien différente
dans les livres saints et dans les casuistes. Notre religion
est si divine qu’une autre religion divine n’en
a que le fondement.
244.
objection des athées. Mais nous n’avons
nulle lumière.
XIX.
LOI FIGURATIVE
245.
Que la loi était figurative.
246.
Figures. Les peuples juif et égyptien visiblement
prédits par ces deux particuliers, que Moïse
rencontra : l’égyptien battant le juif,
Moïse le vengeant et tuant l’égyptien et
le juif en étant ingrat.
247.
figuratives. Fais toutes choses selon le patron qui
t’a été montré en la montagne,
sur quoi St Paul dit que les juifs ont peint les choses
célestes.
248.
figures. Les prophètes prophétisaient
par figures, de ceinture, de barbe et cheveux brûlés,
etc.
249.
figuratives. Clef du chiffre.
250.
figurat. Ces termes d’épée, d’écu,
potentissime.
251.
qui veut donner le sens de l’Ecriture et ne le
prend point de l’Ecriture est ennemi de l’Ecriture.
(...).
252.
deux erreurs. 1. prendre tout littéralement.
2. prendre tout spirituellement.
253.
figures. J.-C. leur ouvrit l’esprit pour entendre
les Ecritures. Deux grandes ouvertures sont celles-là.
1. Toutes choses leur arrivaient en figures etc., Vrai pain
du ciel. 2. Un Dieu humilié jusqu’à
la croix. Il a fallu que le Christ ait souffert pour entrer
en sa gloire, qu’il vaincrait la mort par sa mort-deux
avènements.
254.
parler contre les trop grands figuratifs.
255.
Dieu pour rendre le messie connaissable aux bons et
méconnaissable aux méchants l’a fait
prédire en cette sorte, si la manière du messie
eut été prédite clairement il n’y
eut point eu d’obscurité même pour les
méchants. Si le temps eut été prédit
obscurément il y eut eu obscurité même
pour les bons ne leur eut pas fait entendre que par exemple
(le mem) signifie 600 ans. Mais le temps a été
prédit clairement et la manière en figures.
Par ce moyen les méchants prenant les biens promis
pour matériels s’égarent malgré
le temps prédit clairement et les bons ne s’égarent
pas. Car l’intelligence des biens promis dépend
du coeur qui appelle bien ce qu’il aime, mais l’intelligence
du temps promis ne dépend point du coeur. Et ainsi
la prédiction claire du temps et obscure des biens
ne déçoit que les seuls méchants.
256.
les juifs charnels n’entendaient ni la grandeur,
ni l’abaissement du messie prédit dans leurs
prophéties. Ils l’ont méconnu dans sa
grandeur prédite, comme quand il dit que le messie
sera seigneur de David, quoique son fils qu’il est
devant qu’Abraham et qu’il l’a vu. Ils ne
le croyaient pas si grand qu’il fût éternel,
et ils l’ont méconnu de même dans son
abaissement et dans sa mort. Le messie, disaient-ils, demeure
éternellement et celui-ci dit qu’il mourra.
Ils ne le croyaient donc ni mortel, ni éternel ;
ils ne cherchaient en lui qu’une grandeur charnelle.
257.
contradiction. On ne peut faire une bonne physionomie
qu’en accordant toutes nos contrariétés
et il ne suffit pas de suivre une suite de qualités
accordantes sans accorder les contraires ; pour entendre
le sens d’un auteur il faut accorder tous les passages
contraires. Ainsi pour entendre l’Ecriture il faut
avoir un sens dans lequel tous les passages contraires s’accordent ;
il ne suffit pas d’en avoir un qui convienne à
plusieurs passages accordants, mais d’en avoir un qui
accorde les passages même contraires. Tout auteur
a un sens auquel tous les passages contraires s’accordent
ou il n’a point de sens du tout. On ne peut pas dire
cela de l’Ecriture et des prophètes : ils
avaient assurément trop de bon sens. Il faut donc
en chercher un qui accorde toutes les contrariétés.
Le véritable sens n’est donc pas celui des juifs,
mais en J.-C. toutes les contradictions sont accordées.
Les juifs ne sauraient accorder la cessation de la royauté
et principauté prédite par Osée, avec
la prophétie de Jacob. Si on prend la loi, les sacrifices
et le royaume pour réalités on ne peut accorder
tous les passages ; il faut donc par nécessité
qu’ils ne soient que figures. On ne saurait pas même
accorder les passages d’un même auteur, ni d’un
même livre, ni quelquefois d’un même chapitre,
ce qui marque trop quel était le sens de l’auteur ;
comme quand Ezéchiel, ch. 20 dit qu’on vivra
dans les commandements de Dieu et qu’on n’y vivra
pas.
258.
il n’était point permis de sacrifier hors
de Jérusalem, qui était le lieu que le seigneur
avait choisi, ni même de manger ailleurs les décimes
etc. Osée a prédit qu’il serait sans
roi, sans prince, sans sacrifice etc., sans idoles, ce qui
est accompli aujourd’hui, ne pouvant faire sacrifice
légitime hors de Jérusalem.
259.
figure. Si la loi et les sacrifices sont la vérité
il faut qu’elle plaise à Dieu et qu’elle
ne lui déplaise point. S’ils sont figures il
faut qu’ils plaisent et déplaisent. Or dans
toute l’Ecriture ils plaisent et déplaisent.
Il est dit que la loi sera changée, que le sacrifice
sera changé, qu’ils seront sans roi, sans princes
et sans sacrifices, qu’il sera fait une nouvelle alliance,
que la loi sera renouvelée, que les préceptes
qu’ils ont reçus ne sont pas bons, que leurs
sacrifices sont abominables, que Dieu n’en a point
demandé. Il est dit au contraire que la loi durera
éternellement, que cette alliance sera éternelle,
que le sacrifice sera éternel, que le sceptre ne
sortira jamais d’avec eux, puis qu’il n’en
doit point sortir que le roi éternel n’arrive.
Tous ces passages marquent-ils que ce soit réalité ?
Non ; marquent-ils aussi que ce soit figure ?
Non, mais que c’est réalité ou figure ;
mais les premiers excluant la réalité marque
que ce n’est que figure. Tous ces passages ensemble
ne peuvent être dits de la réalité ;
tous peuvent être dits de la figure. Ils ne sont pas
dits de la réalité mais de la figure.
260.
un portrait porte absence et présence, plaisir
et déplaisir. La réalité exclut absence
et déplaisir. Figures. Pour savoir si la loi et les
sacrifices sont réalité ou figure il faut
voir si les prophètes en parlant de ces choses y
arrêtaient leur vue et leur pensée, en sorte
qu’ils n’y vissent que cette ancienne alliance,
ou s’ils y voient quelque autre chose dont elle fut
la peinture. Car dans un portrait on voit la chose figurée.
Il ne faut pour cela qu’examiner ce qu’ils en
disent. Quand ils disent qu’elle sera éternelle
entendent-ils parler de l’alliance de laquelle ils
disent qu’elle sera changée et de même
des sacrifices etc. Le chiffre a deux sens. Quand on surprend
une lettre importante où l’on trouve un sens
clair, et où il est dit néanmoins que le sens
en est voilé et obscurci, qu’il est caché
en sorte qu’on verra cette lettre sans la voir et qu’on
l’entendra sans l’entendre, que doit-on penser
sinon que c’est un chiffre à double sens. Et
d’autant plus qu’on y trouve des contrariétés
manifestes dans le sens littéral. Les prophètes
ont dit clairement qu’Israël serait toujours aimé
de Dieu et que la loi serait éternelle et ils ont
dit que l’on n’entendrait point leur sens et qu’il
était voilé. Combien doit-on donc estimer
ceux qui nous découvrent le chiffre et nous apprennent
à connaître le sens caché, et principalement
quand les principes qu’ils en prennent sont tout à
fait naturels et clairs ? C’est ce qu’a fait
J.-C. et les apôtres. Ils ont levé le sceau.
Il a rompu le voile et a découvert l’esprit.
Ils nous ont appris pour cela que les ennemis de l’homme
sont ses passions, que le rédempteur serait spirituel
et son règne spirituel, qu’il y aurait deux
avènements l’un de misère pour abaisser
l’homme superbe, l’autre de gloire pour élever
l’homme humilié, que J.-C. serait Dieu et homme.
261.
le temps du premier avènement sciemment prédit,
le temps du second ne l’est point, parce que le premier
devait être caché, le second devait être
éclatant, et tellement manifeste que ses ennemis
mêmes le devaient reconnaître, mais il ne devait
venir qu’obscurément et que pour être
connu de ceux qui sonderaient les Ecritures.
262.
que pouvaient faire les juifs, ses ennemis ? S’ils
le reçoivent ils le prouvent par leur réception,
car les dépositaires de l’attente du messie
le recevaient et s’ils le renoncent ils le prouvent
par leur renonciation.
263.
contrariétés. Le sceptre jusqu’au
messie sans roi-ni prince. Loi éternelle, changée.
Alliance éternelle, alliance nouvelle. Loi bonne,
préceptes mauvais. Eze 20.
264.
les juifs étaient accoutumés aux grands
et éclatants miracles et ainsi ayant eu les grands
coups de la mer rouge et la terre de Canaan comme un abrégé
des grandes choses de leur messie ils en attendaient donc
de plus éclatants, dont ceux de Moïse n’étaient
que l’échantillon.
265.
figure porte absence et présence, plaisir et
déplaisir. Chiffre à double sens. Un clair
et où il est dit que le sens est caché.
266.
on pourrait peut-être penser que quand les prophètes
ont prédit que le sceptre ne sortirait point de Juda
jusqu’au roi éternel ils auraient parlé
pour flatter le peuple et que leur prophétie se serait
trouvée fausse à Hérode. Mais pour
montrer que ce n’est pas leur sens, et qu’ils
savaient bien au contraire que ce royaume temporel devait
cesser, ils disent qu’ils seront sans roi et sans prince.
Et longtemps durant. Osée.
267.
figures. Dès qu’on a ouvert ce secret il
est impossible de ne le pas voir. Qu’on lise le vieil
testament en cette vue et qu’on voie si les sacrifices
étaient vrais, si la parenté d’Abraham
était la vraie cause de l’amitié de Dieu,
si la terre promise était le véritable lieu
de repos ? Non, donc c’étaient des figures.
Qu’on voie de même toutes les cérémonies
ordonnées et tous les commandements qui ne sont point
pour la charité, on verra que c’en sont les
figures. Tous ces sacrifices et cérémonies
étaient donc figures ou sottises, or il y a des choses
claires trop hautes pour les estimer des sottises. Savoir
si les prophètes arrêtaient leur vue dans l’ancien
testament ou s’ils y voyaient d’autres choses.
268.
figures. La lettre tue-tout arrivait en figures-il fallait
que le Christ souffrit-un Dieu humilié-voilà
le chiffre que St Paul nous donne. Circoncision du coeur,
vrai jeûne, vrai sacrifice, vrai temple : les
prophètes ont indiqué qu’il fallait que
tout cela fut spirituel. Non la viande qui périt,
mais celle qui ne périt point. Vous serez vraiment
libre ; donc l’autre liberté n’est
qu’une figure de liberté. Je suis le vrai pain
du ciel.
269.
il y en a qui voient bien qu’il n’y a pas
d’autre ennemi de l’homme que la concupiscence
qui les détourne de Dieu, et non pas des (ennemis),
ni d’autre bien que Dieu, et non pas une terre grasse.
Ceux qui croient que le bien de l’homme est en sa chair
et le mal en ce qui le détourne des plaisirs des
sens qu’il(s) s’en soûle(nt) et qu’il(s)
y meure(nt). Mais ceux qui cherchent Dieu de tout leur coeur,
qui n’ont de déplaisir que d’être
privés de sa vue, qui n’ont de désir
que pour le posséder et d’ennemis que ceux qui
les en détournent, qui s’affligent de se voir
environnés et dominés de tels ennemis, qu’ils
se consolent, je leur annonce une heureuse nouvelle ;
il y a un libérateur pour eux ; je le leur ferai
voir ; je leur montrerai qu’il y a un Dieu pour
eux ; je ne le ferai pas voir aux autres. Je ferai
voir qu’un messie a été promis pour délivrer
des ennemis, et qu’il en est venu un pour délivrer
des iniquités, mais non des ennemis. Quand David
prédit que le messie délivrera son peuple
de ses ennemis on peut croire charnellement que ce sera
des Egyptiens, et alors je ne saurais montrer que la prophétie
soit accomplie, mais on peut bien croire aussi que ce sera
des iniquités. Car dans la vérité les
Egyptiens ne sont point ennemis, mais les iniquités
le sont. Ce mot d’ennemis est donc équivoque,
mais s’il dit ailleurs comme il fait qu’il délivrera
son peuple de ses péchés, aussi bien qu’Isaïe
et les autres, l’équivoque est ôtée,
et le sens double des ennemis réduit au sens simple
d’iniquités. Car s’il avait dans l’esprit
les péchés il les pouvait bien dénoter
par ennemis mais s’il pensait aux ennemis il ne les
pouvait pas désigner par iniquités. Or Moïse
et David et Isaïe usaient de mêmes termes. Qui
dira donc qu’ils n’avaient pas même sens
et que le sens de David qui était manifestement d’iniquités
lorsqu’il parlait d’ennemis, ne fut pas le même
que Moïse en parlant d’ennemis. Daniel, ix, prie
pour la délivrance du peuple de la captivité
de leurs ennemis. Mais il pensait aux péchés,
et pour le montrer, il dit que Gabriel lui vint dire qu’il
était exaucé et qu’il n’y avait
plus que 70 semaines à attendre, après quoi
le peuple serait délivré d’iniquité.
Le péché prendrait fin et le libérateur,
le saint des saints amènerait la justice éternelle,
non la légale, mais l’éternelle.
270.
a. Figures. Les juifs avai(ent) vieilli dans ces pensées
terrestres : que Dieu aimait leur père Abraham,
sa chair et ce qui en sortait, que pour cela il les avait
multipliés et distingués de tous les autres
peuples sans souffrir qu’ils s’y mêlassent,
que quand ils languissaient dans l’Egypte ils les en
retira avec tous ses grands signes en leur faveur, qu’ils
les nourrit de la manne dans le désert, qu’il
les mena dans une terre bien grasse, qu’il leur donna
des rois et un temple bien bâti pour y offrir des
bêtes, et, par le moyen de l’effusion de leur
sang qu’ils seraient purifiés, et qu’il
leur devait enfin envoyer le messie pour les rendre maîtres
de tout le monde, et il a prédit le temps de sa venue.
Le monde ayant vieilli dans ces erreurs charnelles. J.-C.
est venu dans le temps prédit, mais non pas dans
l’éclat attendu, et ainsi ils n’ont pas
pensé que ce fut lui. Après sa mort St Paul
est venu apprendre aux hommes que toutes ces choses étaient
arrivées en figure, que le royaume de Dieu ne consistait
pas en la chair, mais en l’esprit, que les ennemis
des hommes n’étaient pas le(ur)s babyloniens,
mais leurs passions, que Dieu ne se plaisait pas aux temples
faits de main, mais en un coeur pur et humilié, que
la circoncision du corps était inutile, mais qu’il
fallait celle du coeur, que Moïse ne leur avait pas
donné le pain du ciel etc. Mais Dieu n’ayant
pas voulu découvrir ces choses à ce peuple
qui en était indigne et ayant voulu néanmoins
les produire afin qu’elles fussent crues, il en a prédit
le temps clairement (je ne dis pas bien) et les a quelquefois
exprimées clairement mais abondamment en figures
afin que ceux qui aimaient les choses figurantes s’y
arrêtassent et que ceux qui aimaient les figurées
les y vissent. Tout ce qui ne va point à la charité
est figure. L’unique objet de l’Ecriture est la
charité. Tout ce qui ne va point à l’unique
bien en est la figure. Car puisqu’il n’y a qu’un
but tout ce qui n’y va point en mots propres est figure.
Dieu diversifie ainsi cet unique précepte de charité
pour satisfaire notre curiosité qui recherche la
diversité par cette diversité qui nous mène
toujours à notre unique nécessaire. Car une
seule chose est nécessaire et nous aimons la diversité,
et Dieu satisfait à l’un et à l’autre
par ces diversités qui mènent au seul nécessaire.
Les juifs ont tant aimé les choses figurantes et
les ont si bien attendues qu’ils ont méconnu
la réalité quand elle est venue dans le temps
et en la manière prédite. Les rabbins prennent
pour figure les mamelles de l’épouse et tout
ce qui n’exprime pas l’unique but qu’ils
ont des biens temporels. Et les chrétiens prennent
même l’eucharistie pour figure de la gloire où
ils tendent.
271.
J.-C. n’a fait autre chose qu’apprendre aux
hommes qu’ils s’aimaient eux-mêmes, qu’ils
étaient esclaves, aveugles, malades, malheureux et
pécheurs ; qu’il fallait qu’il les
délivrât, éclairât, béatifiât
et guérît, que cela se ferait en se haïssant
soi-même et en le suivant par la misère et
la mort de la croix.
272.
Figures. Quand la parole de Dieu qui est véritable
est fausse littéralement elle est vraie spirituellement.
(...) : cela est faux littéralement, donc cela
est vrai spirituellement. En ces expressions il est parlé
de Dieu à la manière des hommes. Et cela ne
signifie autre chose sinon que l’intention que les
hommes ont en faisant asseoir à leur droite Dieu
l’aura aussi. C’est donc une marque de l’intention
de Dieu, non de sa manière de l’exécuter.
Ainsi quand il dit : Dieu a reçu l’odeur
de vos parfums et vous donnera en récompense une
terre grasse, c’est-à-dire la même intention
qu’aurait un homme qui, agréant vos parfums,
vous donnerait en récompense une terre grasse, Dieu
aura la même intention pour vous parce que vous avez
eu pour lu(i) même intention qu’un homme a pour
celui à qui il donne des parfums. Ainsi iratus
est , Dieu jaloux etc. Car les choses de Dieu étant
inexprimables elles ne peuvent être dites autrement
et l’Eglise d’aujourd’hui en use encore,
etc. Il n’est pas permis d’attribuer à
l’Ecriture des sens qu’elle ne nous a pas révélé
qu’elle a. Ainsi de dire que le (mem) d’Isaïe
signifie 600 cela n’est pas révélé.
Il n’est pas dit que les (tsadé) et les (hé)
déficientes signifieraient des mystères. Il
n’est donc pas permis de le dire. Et encore moins de
dire que c’est la manière de la pierre philosophale.
Mais nous disons que le sens littéral n’est
pas le vrai parce que les prophètes l’ont dit
eux-mêmes.
273.
ceux qui ont peine à croire cherchent un sujet
en ce que les juifs ne croient pas. Si cela était
si clair, dit-on, pourquoi ne croiraient-ils pas ?
Et voudraient quasi qu’ils crussent afin de n’être
point arrêtés par l’exemple de leur refus.
Mais c’est leur refus même qui est le fondement
de notre créance. Nous y serions bien moins disposés
s’ils étaient des nôtres : nous aurions
alors un bien plus ample prétexte. Cela est admirable
d’avoir rendu les juifs grands amateurs des choses
prédites et grands ennemis de l’accomplissement.
274.
preuves des deux testaments à la fois. Pour prouver
d’un coup tous les deux il ne faut que voir si les
prophéties de l’un sont accomplies en l’autre.
Pour examiner les prophéties il faut les entendre.
Car si on croit qu’elles n’ont qu’un sens
il est sûr que le messie ne sera point venu, mais
si elles ont deux sens il est sûr qu’il sera
venu en J.-C.. Toute la question est donc de savoir si elles
ont deux sens. Que l’Ecriture a deux sens. Que J.-C.
et les apôtres ont donné(es) dont voici les
preuves.
1.
Preuve par l’Ecriture même.
2.
Preuves par les rabbins. Moïse Mammon dit qu’elle
a deux faces prou(vées) et que les prophètes
n’ont prophétisé que de J.-C.
3.
Preuves par la Cabale.
4.
Preuves par l’interprétation mystique que les
rabbins mêmes donnent de l’Ecriture.
5.
Preuves par les principes des rabbins qu’il y a deux
sens. Qu’il y a deux avènements du messie, glorieux
ou abject selon leur mérite — que les prophètes
n’ont prophétisé que du messie —
la loi n’est pas éternelle, mais doit changer
au messie — qu’alors on ne se souviendra plus
de la mer Rouge — que les juifs et les gentils seront
mêlés.
275.
a. Figures. Isaïe — 51 la mer Rouge image
de la rédemption. Dieu voulant faire paraître
qu’il pouvait former un peuple saint d’une sainteté
invisible et le remplir d’une gloire éternelle
a fait des choses visibles. Comme la nature est une image
de la grâce il a fait dans les biens de la nature
ce qu’il devait faire dans ceux de la grâce,
afin qu’on jugeât qu’il pouvait faire l’invisible
puisqu’il faisait bien le visible. Il a donc sauvé
le peuple du déluge ; il l’a fait naître
d’Abraham, il l’a racheté d’entre
ses ennemis et l’a mis dans le repos. L’objet
de Dieu n’était pas de sauver du déluge,
et de faire naître tout un peuple d’Abraham pour
nous introduire que dans une terre grasse. Et même
la grâce n’est que la figure de la gloire. Car
elle n’est pas la dernière fin. Elle a été
figurée par la loi et figure elle-même la grâce,
mais elle en est la figure et le principe ou la cause. La
vie ordinaire des hommes est semblable à celle des
saints. Ils recherchent tous leur satisfaction et ne diffèrent
qu’en l’objet où ils la placent. Ils appellent
leurs ennemis ceux qui les en empêchent etc. Dieu
a donc montré le pouvoir qu’il a de donner les
biens invisibles par celui qu’il a montré qu’il
avait sur les visibles.
276.
de deux personnes qui disent de sots contes, l’une
qui voit double sens entendu dans la Cabale, l’autre
qui n’a que ce sens, si quelqu’un n’étant
pas du secret entend discourir les deux en cette sorte il
en fera même jugement. Mais si ensuite dans le reste
du discours l’un dit des choses angéliques et
l’autre toujours des choses plates et communes il jugera
que l’un parlait avec mystère et non pas l’autre,
l’un ayant assez montré qu’il est incapable
de telles sottises et capable d’être mystérieux,
l’autre qu’il est incapable de mystère
et capable de sottise. Le vieux testament est un chiffre.
XX.
RABBINAGE
277.
Chronologie du rabbinisme. Les citations des pages sont
du livre Pugio. P. 27 R Hakadosch. Auteur du Mischna ou
loi vocale, ou seconde loi — an 200. (...). Bereschit
Rabah, par R Osaia Rabah, commentaire du Mischna. Bereschit
Rabah, Bar Mechoni sont des discours subtils, agréables,
historiques et théologiques. Ce même auteur
a fait des livres appelés Rabot. Cent ans après
le Talmud hieros. fut fait le Talmud babylonique par R.
Ase, par le consentement universel de tous les juifs qui
sont nécessairement obligés d’observer
tout ce qui y est contenu. L’addition de R. Ase s’appelle
Gemara c’est-à-dire le commentaire du Mischna.
Et le Talmud comprend ensemble le Mischna et le Gemara.
278.
Tradition ample du péché originel selon
les juifs. Sur le mot de la genèse 8, la composition
du coeur de l’homme est mauvaise dès son enfance.
R. Moyse Haddarschan. Ce mauvais levain est mis dans l’homme
dès l’heure où il est formé. Massachet
Succa. Ce mauvais levain a sept noms : dans l’Ecriture
il est appelé mal, prépuce, immonde, ennemi,
scandale, coeur de pierre, aquilon, tout cela signifie la
malignité qui est cachée et empreinte dans
le coeur de l’homme. Misdrach Tillim dit la même
chose et que Dieu délivrera la bonne nature de l’homme
de la mauvaise. Cette malignité se renouvelle tous
les jours contre l’homme comme il est écrit
ps. 137. L’impie observe le juste et cherche à
le faire mourir, mais Dieu ne l’abandonnera point.
Cette malignité tente le coeur de l’homme en
cette vie et l’accusera en l’autre. Tout cela
se trouve dans le talmud. Midrasch Tillim sur le ps. 4.
Frémissez et vous ne pécherez point. Frémissez
et épouvantez votre concupiscence et elle ne vous
induira point à pécher. Et sur le ps. 36.
L’impie a dit en son coeur que la crainte de Dieu ne
soit point devant moi, c’est-à-dire que la malignité
naturelle de l’homme a dit cela à l’impie.
Midrasch el Kohelet. Meilleur est l’enfant pauvre et
sage que le roi vieux et fol qui ne sait pas prévoir
l’avenir. L’enfant est la vertu et le roi est
la malignité de l’homme. Elle est appelée
roi parce que tous les membres lui obéissent et vieux
parce qu’il est dans le coeur de l’homme depuis
l’enfance jusqu’à la vieillesse, et fol
parce que il conduit l’homme dans la voie de (per)dition
qu’il ne prévoit point. La même chose
est dans Midrasch Tillim. Bereschit Rabba sur le ps. 35.
Seigneur tous mes os te béniront parce que tu délivres
le pauvre du tyran et y a (-t-) il un plus grand tyran que
le mauvais levain. Et sur les proverbes 25. Si ton ennemi
a faim donnes-lui à manger, c’est-à-dire
si le mauvais levain a faim donnez-lui du pain de la sagesse
dont il est parlé proverbe 9. Et s’il a soif
donne-lui de l’eau dont il est parlé. Isaïe
55. Midrasch Tillim dit la même chose et que l’Ecriture
en cet endroit, en parlant de notre ennemi entend le mauvais
levain et qu’en lui donnant ce pain et cette
eau on lui assemblera des charbons sur la tête. Midrasch
Kohelet sur l’Ecc. 9. Un grand roi a assiégé
une petite ville. Ce grand roi est le mauvais levain. Les
grandes machines dont il l’environne sont les tentations,
et il a été trouvé un homme sage et
pauvre qui l’a délivrée, c’est-à-dire
la vertu. Et sur le ps. 41. Bienheureux qui a égard
aux pauvres. Et sur le ps. 78. L’esprit s’en va
et ne revient plus, d’où quelques-uns ont pris
sujet d’errer contre l’immortalité de l’âme ;
mais le sens est que cet esprit est le mauvais levain, qui
s’en va avec l’homme jusqu’à la mort
et ne reviendra point en la résurrection. Et sur
le ps. 103. La même chose. Et sur le ps. 16. Principes
des rabbins : deux messies.
XXI.
PERPETUITE
279.
Un mot de David ou de Moïse, comme que Dieu circoncira
leur coeur fait juger de leur esprit. Que tous leurs autres
discours soient équivoques et douteux d’être
philosophes ou chrétiens, enfin un mot de cette nature
détermine tous les autres comme un mot d’Epictète
détermine tout le reste au contraire. Jusque là
l’ambiguïté dure et non pas après.
280.
les états périraient si on ne faisait
ployer souvent les lois à la nécessité,
mais jamais la religion n’a souffert cela et n’en
a usé. Aussi il faut ces accommodements ou des miracles.
Il n’est pas étrange qu’on se conserve
en ployant, et ce n’est pas proprement se maintenir,
et encore périssent-ils enfin entièrement.
Il n’y en a point qui ait duré 1000 ans. Mais
que cette religion se soit toujours maintenue et inflexible...
cela est divin.
281.
perpétuité. Cette religion qui consiste
à croire que l’homme est déchu d’un
état de gloire et de communication avec Dieu en un
état de tristesse de pénitence et d’éloignement
de Dieu, mais qu’après cette vie nous serons
rétablis par un messie qui devait venir, a toujours
été sur la terre. Toutes choses ont passé
et celle-là a subsisté par laquelle sont toutes
choses. Les hommes dans le premier âge du monde ont
été emportés dans toutes sortes de
désordres, et il y avait cependant des saints comme
Enoch, Lamech, et d’autres qui attendaient en patience
le Christ promis dès le commencement du monde. Noé
a vu la malice des hommes au plus haut degré et il
a mérité de sauver le monde en sa personne
par l’espérance du messie, dont il a été
la figure. Abraham était environné d’idolâtres
quand Dieu lui a fait connaître le mystère
du messie qu’il a salué de loin ; au temps
d’Isaac et de Jacob, l’abomination était
répandue sur toute la terre, mais ces saints vivaient
en leur foi, et Jacob mourant et bénissant ses enfants
s’écrie par un transport qui lui fait interrompre
son discours : j’attends, ô mon Dieu, le
sauveur que vous avez promis, etc. Les Egyptiens étaient
infectés et d’idolâtrie et de magie, le
peuple de Dieu même était entraîné
par leur exemple. Mais cependant Moïse et d’autres
voyaient celui qu’ils ne voyaient pas, et l’adoraient
en regardant aux dons éternels qu’il leur préparait.
Les grecs et les latins ensuite ont fait régner les
fausses déités, les poètes ont fait
cent diverses théologies. Les philosophes se sont
séparés en mille sectes différentes.
Et cependant il y avait toujours au coeur de la Judée
des hommes choisis qui prédisaient la venue de ce
messie qui n’était connu que d’eux. Il
est venu enfin en la consommation des temps et depuis on
a vu naître tant de schismes et d’hérésies,
tant renverser d’états, tant de changements
en toutes choses, et cette église qui adore celui
qui a toujours été a subsisté sans
interruption et ce qui est admirable, incomparable et tout
à fait divin, est que cette religion qui a toujours
duré a toujours été combattue. Mille
fois elle a été à la veille d’une
destruction universelle, et toutes les fois qu’elle
a été en cet état Dieu l’a relevée
par des coups extraordinaires de sa puissance. Car ce qui
est étonnant est qu’elle s’est maintenue
sans fléchir et plier sous la volonté des
tyrans, car il n’est pas étrange qu’un
état subsiste lorsque l’on fait quelquefois
céder ses lois à la nécessité ;
mais que-voyez le rond dans Montaigne.
282.
perpétuité. Le messie a toujours été
cru. La tradition d’Adam était encore nouvelle
en Noé et en Moïse. Les prophètes l’ont
prédit depuis en prédisant toujours d’autres
choses dont les événements qui arrivaient
de temps en temps à la vue des hommes marquaient
la vérité de leur mission et par conséquent
celle de leurs promesses touchant le messie. Jésus
C a fait des miracles et les apôtres aussi qui ont
converti tous les païens et par là toutes les
prophéties étant accomplies le messie est
prouvé pour jamais.
283.
les six âges, les six pères des six âges,
les six merveilles à l’entrée des six
âges, les six orients à l’entrée
des six âges.
284.
la seule religion contre la nature, contre le sens commun,
contre nos plaisirs est la seule qui ait toujours été.
285.
si l’ancienne Eglise était dans l’erreur
l’Eglise est tombée. Quand elle y serait aujourd’hui
ce n’est pas de même, car elle a toujours la
maxime supérieure de la tradition de la créance
de l’ancienne Eglise. Et ainsi cette soumission et
cette conformité à l’ancienne Eglise
prévaut et corrige tout. Mais l’ancienne Eglise
ne supposait pas l’Eglise future et ne la regardait
pas, comme nous supposons et regardons l’ancienne.
286.
2 sortes d’hommes en chaque religion. Parmi les
païens des adorateurs de bêtes, et les autres
adorateurs d’un seul Dieu dans la religion naturelle.
Parmi les juifs les charnels et les spirituels qui étaient
les chrétiens de la loi ancienne. Parmi les chrétiens
les grossiers qui sont les juifs de la loi nouvelle. Les
juifs charnels attendaient un messie charnel et les chrétiens
grossiers croient que le messie les a dispensés d’aimer
Dieu. Les vrais juifs et les vrais chrétiens adorent
un messie qui leur fait aimer Dieu.
287.
qui jugera de la religion des juifs par les grossiers
la connaîtra mal. Elle est visible dans les saints
livres et dans la tradition des prophètes qui ont
assez fait entendre qu’ils n’entendaient pas la
loi à la lettre. Ainsi notre religion est divine
dans l’Evangile, les apôtres et la tradition,
mais elle est ridicule dans ceux qui la traitent mal. Le
messie selon les juifs charnels doit être un grand
prince temporel. J.-C. selon les chrétiens charnels
est venu nous dispenser d’aimer Dieu, et nous donner
des sacrements qui opèrent tout sans nous ;
ni l’un ni l’autre n’est la religion chrétienne,
ni juive. Les vrais juifs et les vrais chrétiens
ont toujours attendu un messie qui les ferait aimer Dieu
et par cet amour triompher de leurs ennemis.
288.
Moïse, Deut. 30 promet que Dieu circoncira leur
coeur pour les rendre capables de l’aimer.
289.
les juifs charnels tiennent le milieu entre les chrétiens
et les païens. Les païens ne connaissent point
Dieu et n’aiment que la terre, les juifs connaissent
le vrai Dieu et n’aiment que la terre, les chrétiens
connaissent le vrai Dieu et n’aiment point la terre.
Les juifs et les païens aiment les mêmes biens.
Les juifs et les chrétiens connaissent le même
Dieu. Les juifs étaient de deux sortes. Les uns n’avaient
que les affections païennes, les autres avaient les
affections chrétiennes.
XXII.
PREUVES DE MOÏSE
290.
Autre rond. La longueur de la vie des patriarches, au
lieu de faire que les histoires des choses passées
se perdissent, servait au contraire à les conserver.
Car ce qui fait que l’on n’est pas quelquefois
assez instruit dans l’histoire de ses ancêtres
est que l’on n’a jamais guère vécu
avec eux, et qu’ils sont morts souvent devant que l’on
eût atteint l’âge de raison. Or, lorsque
les hommes vivaient si longtemps, les enfants vivaient longtemps
avec leurs pères. Ils les entretenaient longtemps.
Or, de quoi les eussent-ils entretenus, sinon de l’histoire
de leurs ancêtres, puisque toute l’histoire était
réduite à celle-là, qu’ils n’avaient
point d’études, ni de sciences, ni d’arts,
qui occupent une grande partie des discours de la vie ?
Aussi l’on voit qu’en ce temps les peuples avaient
un soin particulier de conserver leurs généalogies.
291.
cette religion si grande en miracles, saints, purs,
irréprochables, savants et grands témoins,
martyrs ; rois – David – établis ;
Isaïe prince du sang ; si grande en science après
avoir étalé tous ses miracles et toute sa
sagesse. Elle réprouve tout cela et dit qu’elle
n’a ni sagesse, ni signe, mais la croix et la folie.
Car ceux qui par ces signes et cette sagesse ont mérité
votre créance et qui vous ont prouvé leur
caractère, vous déclarent que rien de tout
cela ne peut nous changer et nous rendre capable de connaître
et aimer Dieu que la vertu de la folie de la croix, sans
sagesse ni signe et point non les signes sans cette vertu.
Ainsi notre religion est folle en regardant à la
cause efficace et sage en regardant à la sagesse
qui y prépare.
292.
preuves de Moïse. Pourquoi Moïse va (-t-)
il faire la vie des hommes si longue et si peu de générations.
Car ce n’est pas la longueur des années mais
la multitude des générations qui rendent les
choses obscures. Car la vérité ne s’altère
que par le changement des hommes. Et cependant il met deux
choses les plus mémorables qui se soient jamais imaginées,
savoir la création et le déluge si proches
qu’on y touche.
293.
si on doit donner huit jours on doit donner toute la
vie.
294.
tandis que les prophètes ont été
pour maintenir la loi le peuple a été négligent.
Mais depuis qu’il n’y a plus eu de prophètes
le zèle a succédé.
295.
Josèphe cache la honte de sa nation. Moïse
ne cache pas la honte propre ni... il était las du
peuple.
296.
Sem qui a vu Lameth qui a vu Adam a vu aussi Jacob qui
a vu ceux qui ont vu Moïse : donc le déluge
et la création sont vrais. Cela conclut entre de
certaines gens qui l’entendent bien.
297.
zèle du peuple juif pour sa loi et principalement
depuis qu’il n’y a plus eu de prophètes.
XXIII.
PREUVES DE JESUS-CHRIST
298.
L’ordre. Contre l’objection que l’Ecriture
n’a pas d’ordre. Le coeur a son ordre, l’esprit
a le sien qui est par principe et démonstration.
Le coeur en a un autre. On ne prouve pas qu’on doit
être aimé en exposant d’ordre les causes
de l’amour ; cela serait ridicule. J.-C., Saint
Paul ont l’ordre de la charité, non de l’esprit,
car ils voulaient rabaisser, non instruire. Saint Augustin
de même. Cet ordre consiste principalement à
la digression sur chaque point qui a rapport à la
fin, pour la montrer toujours.
299.
l’Evangile ne parle de la virginité de la
vierge que jusques à la naissance de J.-C.. Tout
par rapport à J.-C..
300.
J.-C. dans une obscurité (selon ce que le monde
appelle obscurité), telle que les historiens n’écrivant
que les importantes choses des états l’ont à
peine aperçu.
301.
sainteté. Tous les peuples étaient dans
l’infidélité et dans la concupiscence,
toute la terre fut ardente de charité : les
princes quittent leur grandeur, les filles souffrent le
martyr. D’où vient cette force ? C’est
que le messie est arrivé. Voilà l’effet
et les marques de sa venue.
302.
les combinaisons des miracles.
303.
un artisan qui parle des richesses, un procureur qui
parle de la guerre, de la royauté, etc., mais le
riche parle bien des richesses, le roi parle froidement
d’un grand don qu’il vient de faire, et Dieu parle
bien de Dieu.
304.
preuves de J.-C. Pourquoi le livre de Ruth, conservé.
Pourquoi l’histoire de Thamar.
305.
preuves de J.-C. Ce n’est pas avoir été
captif que de l’avoir été avec assurance
d’être délivré, dans 70 ans, mais
maintenant ils le sont sans aucun espoir. Dieu leur a promis
qu’encore qu’il les dispersât aux bouts
du monde, néanmoins s’ils étaient fidèles
à sa loi il les rassemblerait. Ils y sont très
fidèles et demeurent opprimés.
306.
les juifs en éprouvant s’il était
Dieu ont montré qu’il était homme.
307.
l’Eglise a eu autant de peine à montrer
que J.-C. était homme, contre ceux qui le niaient
qu’à montrer qu’il était Dieu, et
les apparences étaient aussi grandes.
308.
la distance infinie des corps aux esprits figure la
distance infiniment plus infinie des esprits à la
charité car elle est surnaturelle. Tout l’éclat
des grandeurs n’a point de lustre pour les gens qui
sont dans les recherches de l’esprit. La grandeur des
gens d’esprit est invisible aux rois, aux riches, aux
capitaines, à tous ces grands de chair. La grandeur
de la sagesse, qui n’est nulle sinon de Dieu, est invisible
aux charnels et aux gens d’esprit. Ce sont trois ordres
différents, de genre. Les grands génies ont
leur empire, leur éclat, leur grandeur, leur victoire
et leur lustre, et n’ont nul besoin des grandeurs charnelles
où elles n’ont pas de rapport. Ils sont vus,
non des yeux mais des esprits. C’est assez. Les saints
ont leur empire, leur éclat, leur victoire, leur
lustre et n’ont nul besoin des grandeurs charnelles
ou spirituelles, où elles n’ont nul rapport,
car elles n’y ajoutent ni ôtent. Ils sont vus
de Dieu et des anges et non des corps ni des esprits curieux.
Dieu leur suffit. Archimède sans éclat serait
en même vénération. Il n’a pas
donné des batailles pour les yeux, mais il a fourni
à tous les esprits ses inventions. ô qu’il
a éclaté aux esprits. J.-C. sans biens, et
sans aucune production au dehors de science, est dans son
ordre de sainteté. Il n’a point donné
d’inventions. Il n’a point régné,
mais il a été humble, patient, saint, saint,
saint à Dieu, terrible aux démons, sans aucun
péché. ô qu’il est venu en grande
pompe et en une prodigieuse magnificence aux yeux du coeur
et qui voient la sagesse. Il eut été inutile
à Archimède de faire le prince dans ses livres
de géométrie, quoiqu’il le fut. Il eut
été inutile à N.-S. J.-C. pour éclater
dans son règne de sainteté, de venir en roi,
mais il y est bien venu avec l’éclat de son
ordre. Il est bien ridicule de se scandaliser de la bassesse
de J.-C., comme si cette bassesse était du même
ordre duquel est la grandeur qu’il venait faire paraître.
Qu’on considère cette grandeur-là dans
sa vie, dans sa passion, dans son obscurité, dans
sa mort, dans l’élection des siens, dans leur
abandonnement, dans sa secrète résurrection
et dans le reste. On la verra si grande qu’on n’aura
pas sujet de se scandaliser d’une bassesse qui n’y
est pas. Mais il y en a qui ne peuvent admirer que les grandeurs
charnelles comme s’il n’y en avait pas de spirituelles.
Et d’autres qui n’admirent que les spirituelles
comme s’il n’y en avait pas d’infiniment
plus hautes dans la sagesse. Tous les corps, le firmament,
les étoiles, la terre et ses royaumes, ne valent
pas le moindre des esprits. Car il connaît tout cela,
et soi, et les corps rien. Tous les corps ensemble et tous
les esprits ensemble et toutes leurs productions ne valent
pas le moindre mouvement de charité. Cela est d’un
ordre infiniment plus élevé. De tous les corps
ensemble on ne saurait en faire réussir une petite
pensée. Cela est impossible et d’un autre ordre.
De tous les corps et esprits on n’en saurait tirer
un mouvement de vraie charité cela est impossible,
et d’un autre ordre surnaturel.
309.
preuves de J.-C.. J.-C. a dit les choses grandes si
simplement qu’il semble qu’il ne les a pas pensées,
et si nettement néanmoins qu’on voit bien ce
qu’il en pensait. Cette clarté jointe à
cette naïveté est admirable.
310.
preuves de J.-C.. L’hypothèse des apôtres
fourbes est bien absurde. Qu’on la suive tout au long,
qu’on s’imagine ces douze hommes assemblés
après la mort de J.-C., faisant le complot de dire
qu’il est ressuscité. Ils attaquent par là
toutes les puissances. Le coeur des hommes est étrangement
penchant à la légèreté, au changement,
aux promesses, aux biens, si peu que l’un de ceux-là
se fût démenti par tous ces attraits, et qui
plus est par les prisons, par les tortures et par la mort,
ils étaient perdus. Qu’on suive cela.
311.
c’est une chose étonnante et digne d’une
étrange attention de voir ce peuple juif subsister
depuis tant d’années et de le voir toujours
misérable, étant nécessaire pour la
preuve de J.-C. et qu’il subsiste pour le prouver et
qu’il soit misérable, puis qu’ils l’ont
crucifié. Et quoiqu’il soit contraire d’être
misérable et de subsister il subsiste néanmoins
toujours malgré sa misère.
313.
canoniques. Les hérétiques au commencement
de l’Eglise servent à prouver les canoniques.
314.
quand Nabuchodonosor emmena le peuple de peur qu’on
ne crût que le sceptre fut ôté de Juda
il leur dit auparavant qu’ils y seraient peu, et qu’ils
y seraient, et qu’ils seraient rétablis. Ils
furent toujours consolés par les prophètes ;
leurs rois continuèrent. Mais la seconde destruction
est sans promesse de rétablissement, sans prophètes,
sans roi, sans consolation, sans espérance parce
que le sceptre est ôté pour jamais.
315.
Moïse d’abord enseigne la trinité,
le péché originel, le messie. David grand
témoin. Roi, bon, pardonnant, belle âme, bon
esprit, puissant. Il prophétise et son miracle arrive.
Cela est infini. Il n’avait qu’à dire qu’il
était le messie s’il eut eu de la vanité,
car les prophéties sont plus claires de lui que de
J.-C.. Et Saint Jean de même.
316.
qui a appris aux évangélistes les qualités
d’une âme parfaitement héroïque,
pour la peindre si parfaitement en J.-C. ? Pourquoi
le font-ils faible dans son agonie ? Ne savent-ils
pas peindre une mort constante ? Oui, car le même
Saint Luc peint celle de Saint Etienne plus forte que celle
de J.-C. Ils le font capable de crainte, avant que la nécessité
de mourir soit arrivée, et ensuite tout fort. Mais
quand ils le font si troublé c’est quand il
se trouble lui-même et quand les hommes le troublent
il est fort.
317.
le zèle des juifs pour leur loi et leur temple.
Josèphe et Philon Juif, etc. Quel autre peuple a
un tel zèle, il fallait qu’ils l’eussent.
J.-C. prédit quant au temps et à l’état
du monde. Le duc ôté de la cuisse, et la 4e
monarchie. Qu’on est heureux d’avoir cette lumière
dans cette obscurité. Qu’il est beau de voir
par les yeux de la foi, Darius et Cyrus, Alexandre, les
romains, Pompée et Hérode, agir sans le savoir
pour la gloire de l’Evangile.
318.
la discordance apparente des évangiles.
319.
la synagogue a précédé l’Eglise,
les juifs les chrétiens. Les prophètes ont
prédit les chrétiens. St Jean ; J.-C..
320.
macrobe. Des innocents tués par Hérode.
321.
tout homme peut faire ce qu’a fait Mahomet. Car
il n’a point fait de miracles, il n’a point été
prédit. Nul homme ne peut faire ce qu’a fait
J.-C..
322.
les apôtres ont été trompés
ou trompeurs. L’un et l’autre est difficile. Car
il n’est pas possible de prendre un homme pour être
ressuscité. Tandis que J.-C. était avec eux,
il les pouvait soutenir, mais après cela, s’il
ne leur est apparu, qui les a fait agir ?
XXIV.
PROPHETIES
323.
Ruine des juifs et des païens par Jésus-Christ :
etc.
324.
qu’alors l’idolâtrie serait renversée,
que ce messie abattrait toutes les idoles et ferait entrer
les hommes dans le culte du vrai Dieu. Que les temples des
idoles seraient abattus et que parmi toutes les nations
et en tous les lieux du monde lui serait offerte une hostie
pure, non point des animaux.
324.
qu’il serait roi des juifs et des gentils, et voilà
ce roi des juifs et des gentils opprimé par les uns
et les autres qui conspirent à sa mort dominant des
uns et des autres, et détruisant et le culte de Moïse
dans Jérusalem, qui en était le centre, dont
il fait sa première église et le culte des
idoles dans Rome qui en était le centre et dont il
fait sa principale église.
325.
qu’il enseignerait aux hommes la voie parfaite.
Et jamais il n’est venu ni devant ni après aucun
homme qui ait enseigné rien de divin approchant de
cela.
326.
et ce qui couronne tout cela est la prédiction
afin qu’on ne dit point que c’est le hasard qui
l’a fait. Quiconque n’ayant plus que 8 jours à
vivre ne trouvera pas que le parti est de croire que tout
cela n’est pas un coup du hasard. Or si les passions
ne nous tenaient point, 8 jours et cent ans sont une même
chose.
327.
après que bien des gens sont venus devant il
est venu enfin J.-C. dire : me voici et voici le temps
où les juifs vont . Ce que les prophètes
ont dit devoir advenir dans la suite des temps je vous dis
que mes apôtres le vont faire. Les juifs vont être
rebutés. Hiérusalem sera bientôt détruite
et les païens vont entrer dans la connaissance de Dieu.
Mes apôtres le vont faire après que vous aurez
tué l’héritier de la vigne. Et puis les
apôtres ont dit aux juifs : vous allez être
maudits. Celsus s’en moquait. Et aux païens :
vous allez entrer dans la connaissance de Dieu, et cela
est arrivé alors.
328.
qu’alors on n’enseignera plus son prochain
disant : voici le seigneur. Car Dieu se fera sentir
à tous. Vos fils prophétiseront. Je mettrai
mon esprit et ma crainte en votre coeur. Tout cela est la
même chose. Prophétiser c’est parler de
Dieu, non par preuves de dehors, mais par sentiment intérieur
et immédiat.
329.
que J.-C. serait petit en son commencement et croîtrait
ensuite. La petite pierre de Daniel. Si je n’avais
ouï parler en aucune sorte du messie, néanmoins
après les prédictions si admirables de l’ordre
du monde que je vois accomplies, je vois que cela est divin
et si je savais que ces mêmes livres prédissent
un messie je m’assurerais qu’il serait certain,
et voyant qu’ils mettent son temps avant la destruction
du 2 temple je dirais qu’il serait venu.
330.
prophéties. La conversion des Egyptiens. Is.
19 19. Un autel en Egypte au vrai Dieu.
331.
au temps du messie ce peuple se partage. Les spirituels
ont embrassé le messie, les grossiers sont demeurés
pour lui servir de témoins.
332.
prophéties. Quand un seul homme aurait fait un
livre des prédictions de J.-C. pour le temps et pour
la manière et que J-C serait venu conformément
à ces prophéties ce serait une force infinie.
Mais il y a bien plus ici. C’est une suite d’hommes
durant quatre mille ans qui constamment et sans variations
viennent l’un ensuite de l’autre prédire
ce même avènement. C’est un peuple tout
entier qui l’annonce et qui subsiste depuis 4000 années
pour rendre en corps témoignages des assurances qu’ils
en ont, et dont ils ne peuvent être divertis par quelques
menaces et persécutions qu’on leur fasse. Ceci
est tout autrement considérable.
333.
prophéties. Le temps prédit par l’état
du peuple juif, par l’état du peuple païen,
par l’état du temple, par le nombre des années.
334.
osée etc. Isaïe etc. Je l’ai prédit
depuis longtemps afin qu’on sût que c’est
moi. Etc. Jaddus à Alexandre.
335.
la plus grande des preuves de J.-C. sont les prophéties.
C’est à quoi Dieu a le plus pourvu, car l’événement
qui les a remplies est un miracle subsistant depuis la naissance
de l’Eglise jusques à la fin. Aussi Dieu a suscité
des prophètes durant 1600 ans et pendant 400 ans
après il a dispersé toutes ces prophéties
avec tous les juifs qui les portaient dans tous les lieux
du monde. Voilà quelle a été la préparation
à la naissance de J.-C. dont l’Evangile devant
être cru de tout le monde, il a fallu non seulement
qu’il y ait eu des prophéties pour le faire
croire mais que ces prophéties fussent par tout le
monde pour le faire embrasser par tout le monde.
336.
il faut être hardi pour prédire une même
chose en tant de manières. Il fallait que l(es) 4
monarchies, idolâtres ou païennes, la fin du
règne de Juda, et les 70 semaines arrivassent en
même temps, et le tout avant que le 2e temple fût
détruit.
337.
Hérode crut le messie. Il avait ôté
le sceptre de Juda, mais il n’était pas de Juda.
Cela fit une secte considérable. Et Barcosba et un
autre reçu par les juifs. Et le bruit qui était
partout en ce temps-là. Suet. — Tacite. Josèphe.
Comment fallait-il que fût le messie, puisque par
lui son arrivée le sceptre devait être ôté
de Juda. Pour faire qu’en voyant ils ne voient point
et qu’en entendant ils n’entendent point rien
ne pouvait être mieux fait. Malédiction des
grecs contre ceux qui comptent les périodes des temps.
338.
prédiction. Qu’en la 4e monarchie, avant
la destruction du 2e temple, avant que la domination des
juifs fût ôtée en la 70 e semaine de
Daniel, pendant la durée du 2e temple les païens
seraient instruits et amenés à la connaissance
du Dieu adoré par les juifs, que ceux qui l’aiment
seraient délivrés de leurs ennemis, remplis
de sa crainte et de son amour. Et il est arrivé qu’en
la 4e monarchie avant la destruction du 2e temple etc. Les
païens en foule adorent Dieu et mènent une vie
angélique. Les filles consacrent à Dieu leur
virginité et leur vie, les hommes renoncent à
tous plaisirs. Ce que Platon n’a pu persuader à
quelque peu d’hommes choisis et si instruits une force
secrète le persuade à cent milliers d’hommes
ignorants, par la vertu de peu de paroles. Les riches quittent
leurs biens, les enfants quittent la maison délicate
de leurs pères pour aller dans l’austérité
d’un désert, etc. Voyez Philon Juif. Qu’est-ce
que tout cela ? C’est ce qui a été
prédit si longtemps auparavant ; depuis 2000
années aucun païen n’avait adoré
le Dieu des juifs et dans le temps prédit la foule
des païens adore cet unique Dieu. Les temples sont
détruits, les rois mêmes se soumettent à
la croix. Qu’est-ce que tout cela ? C’est
l’esprit de Dieu qui est répandu sur la terre.
Nul païen depuis Moïse jusqu’à J.-C.
selon les rabbins mêmes ; la foule des païens
après J.-C. croit les livres de Moïse et en
observe l’essence et l’esprit et n’en rejette
que l’inutile. Les prophètes ayant donné
diverses marques qui devaient toutes arriver à l’avènement
du messie il fallait que toutes ces marques arrivassent
en même temps. Ainsi il fallait que la quatrième
monarchie fût venue lorsque les septante semaines
de Daniel seraient accomplies et que le sceptre fut alors
ôté de Juda. Et tout cela est arrivé
sans aucune difficulté et qu’alors il arrivât
le messie et J.-C. est arrivé alors qui s’est
dit le messie et tout cela est encore sans difficulté
et cela marque bien la vérité de prophétie.
340.
donc J-C était le messie puisqu’ils n’avaient
plus de roi qu’un étranger et qu’ils n’en
voulaient point d’autre.
341.
prophéties. Les 70 semaines de Daniel sont équivoques
pour le terme du commencement à cause des termes
de la prophétie. Et pour le terme de la fin à
cause des diversités des chronologistes. Mais toute
cette différence ne va qu’à 200 ans.
342.
prophéties. Le sceptre ne fut point interrompu
par la captivité de Babylone à cause que leur
retour était prompt et prédit.
343.
prophéties. Le grand pan est mort.
344.
que peut-on avoir sinon de la vénération
d’un homme qui prédit clairement des choses
qui arrivent et qui déclare son dessein et d’aveugler
et d’éclaircir et qui mêle des obscurités
parmi des choses claires qui arrivent.
345.
vocation des gentils par Jésus-Christ.
346.
prédictions. Il est prédit qu’au
temps du messie il viendrait établir une nouvelle
alliance qui ferait oublier la sortie d’Egypte qui
mettrait sa loi non dans l’extérieur mais dans
le coeur, qu’il mettrait sa crainte qui n’avait
été qu’au dehors, dans le milieu du coeur...
qui ne voit la loi chrétienne en tout cela ?
347.
prophétie. Que les juifs réprouveraient
J.-C. et qu’ils seraient réprouvés de
Dieu par cette raison ; que la vigne élue ne
donnerait que du verjus ; que le peuple choisi serait
infidèle, ingrat et incrédule etc. Que Dieu
les frappera d’aveuglement et qu’ils tâtonneront
en plein midi comme des aveugles. Qu’un précurseur
viendrait avant lui.
348.
le règne éternel de la race de David,
2. Chron. Par toutes les prophéties et avec serment.
Et n’est point accompli temporellement.
XXV.
FIGURES PARTICULIERES
349.
Figures particulières. Double loi, doubles tables
de la loi, double temple, double captivité.
350.
Joseph croise ses bras et préfère le jeune.
XXVI.
MORALE CHRETIENNE
351.
Le christianisme est étrange ; il ordonne
à l’homme de reconnaître qu’il est
vil et même abominable, et lui ordonne de vouloir
être semblable à Dieu. Sans un tel contrepoids
cette élévation le rendrait horriblement vain,
ou cet abaissement le rendrait horriblement abject.
352.
la misère persuade le désespoir. L’orgueil
persuade la présomption. L’incarnation montre
à l’homme la grandeur de sa misère par
la grandeur du remède qu’il a fallu.
353.
non pas un abaissement qui nous rende incapables du
bien ni une sainteté exempte de mal.
354.
il n’y a point de doctrine plus propre à
l’homme que celle-là qui l’instruit de
sa double capacité de recevoir et de perdre la grâce
à cause du double péril où il est toujours
exposé de désespoir ou d’orgueil.
355.
de tout ce qui est sur la terre, il ne prend part qu’aux
déplaisirs non aux plaisirs. Il aime ses proches,
mais sa charité ne se renferme pas dans ces bornes
et se répand sur ses ennemis et puis sur ceux de
Dieu.
356.
quelle différence entre un soldat et un chartreux
quant à l’obéissance ? Car ils sont
également obéissants et dépendants,
et dans des exercices également pénibles,
mais le soldat espère toujours devenir maître
et ne le devient jamais, car les capitaines et princes mêmes
sont toujours esclaves et dépendants, mais il l’espère
toujours, et travaille toujours à y venir, au lieu
que le chartreux fait voeu de n’être jamais que
dépendant. Ainsi ils ne différent pas dans
la servitude perpétuelle, que tous deux ont toujours,
mais dans l’espérance que l’un a toujours
et l’autre jamais.
357.
nul n’est heureux comme un vrai chrétien,
ni raisonnable, ni vertueux, ni aimable.
358.
avec combien peu d’orgueil un chrétien se
croit-il uni à Dieu. Avec combien peu d’abjection
s’égale (-t-) il aux vers de la terre. La belle
manière de recevoir la vie et la mort, les biens
et les maux.
359.
les exemples des morts généreuses des
lacédémoniens et autres, ne nous touchent
guère, car qu’est-ce que cela nous apporte.
Mais l’exemple de la mort des martyrs nous touche car
ce sont nos membres. Nous avons un lien commun avec eux.
Leur résolution peut former la nôtre, non seulement
par l’exemple, mais parce qu’elle a peut-être
mérité la nôtre. Il n’est rien
de cela aux exemples des païens. Nous n’avons
point de liaison à eux. Comme on ne devient pas riche
pour voir un étranger qui l’est, mais bien pour
voir son père ou son mari qui le soient.
360.
Commencement des membres pensants. Morale. Dieu ayant
fait le ciel et la terre qui ne sentent point le bonheur
de leur être, il a voulu faire des êtres qui
le connussent et qui composassent un corps de membres pensants.
Car nos membres ne sentent point le bonheur de leur union,
de leur admirable intelligence, du soin que la nature a
d’y influer les esprits et de les faire croître
et durer. Qu’ils seraient heureux s’ils le sentaient,
s’ils le voyaient, mais il faudrait pour cela qu’ils
eussent intelligence pour le connaître, et bonne volonté
pour consentir à celle de l’âme universelle.
Que si ayant reçu l’intelligence ils s’en
servaient à retenir en eux-mêmes la nourriture,
sans la laisser passer aux autres membres, ils seraient
non seulement injustes mais encore misérables, et
se haïraient plutôt que de s’aimer, leur
béatitude aussi bien que leur devoir consistant à
consentir à la conduite de l’âme entièr(e)
à qui ils appartiennent, qui les aime mieux qu’ils
ne s’aiment eux-mêmes.
361.
es-tu moins esclave pour être aimé et flatté
de ton maître ; tu as bien du bien, esclave,
ton maître te flatte. Il te battra tantôt.
362.
la volonté propre ne satisfera jamais, quand
elle aurait pouvoir de tout ce qu’elle veut ;
mais on est satisfait dès l’instant qu’on
y renonce. Sans elle on ne peut être malcontent ;
par elle on ne peut être content.
363.
ils laissent agir la concupiscence et retiennent le
scrupule, au lieu qu’il faudrait faire au contraire.
364.
c’est être superstitieux de mettre son espérance
dans les formalités, mais c’est être superbe
de ne vouloir s’y soumettre.
365.
l’expérience nous fait voir une différence
énorme entre la dévotion et la bonté.
366.
deux sortes d’hommes en chaque religion. Superstition,
concupiscence.
367.
point formalistes. Quand St Pierre et les apôtres
délibèrent d’abolir la circoncision où
il s’agissait d’agir contre la loi de Dieu, ils
ne consultent point les prophètes mais simplement
la réception du Saint Esprit en la personne des incirconcis.
Ils jugent plus sûr que Dieu approuve ceux qu’il
remplit de son esprit que non pas qu’il faille observer
la loi. Ils savaient que la fin de la loi n’était
que le Saint Esprit et qu’ainsi puisqu’on l’avait
bien sans circoncision elle n’était pas nécessaire.
368.
membres. Commencer par là. Pour régler
l’amour qu’on se doit à soi-même
il faut s’imaginer un corps plein de membres pensants,
car nous sommes membres du tout, et voir comment chaque
membre devrait s’aimer, etc.
369.
république. La république chrétienne
et même judaïque n’a eu que Dieu pour maître
comme remarque Philon Juif, De la monarchie . Quand
ils combattaient ce n’était que pour Dieu et
n’espéraient principalement que de Dieu. Ils
ne considéraient leurs villes que comme étant
à Dieu et les conservaient pour Dieu. (...).
370.
pour faire que les membres soient heureux il faut qu’ils
aient une volonté et qu’ils la conforment au
corps.
371.
qu’on s’imagine un corps plein de membres
pensants.
372.
etre membre est n’avoir de vie, d’être
et de mouvement que par l’esprit du corps. Et pour
le corps, le membre séparé ne voyant plus
le corps auquel il appartient n’a plus qu’un être
périssant et mourant. Cependant il croit être
un tout et ne se voyant point de corps dont il dépende,
il croit ne dépendre que de soi et veut se faire
centre et corps lui-même. Mais n’ayant point
en soi de principe de vie il ne fait que s’égarer
et s’étonne dans l’incertitude de son être,
sentant bien qu’il n’est pas corps, et cependant
ne voyant point qu’il soit membre d’un corps.
Enfin quand il vient à se connaître il est
comme revenu chez soi et ne s’aime plus que pour le
corps. Il plaint ses égarements passés. Il
ne pourrait pas par sa nature aimer une autre chose sinon
pour soi-même et pour se l’asservir parce que
chaque chose s’aime plus que tout. Mais en aimant le
corps il s’aime soi-même parce qu’il n’a
d’être qu’en lui, par lui et pour lui. Le
corps aime la main, et la main si elle avait une volonté
devrait s’aimer de la même sorte que l’âme
l’aime ; tout amour qui va au delà est
injuste. (...) ; on s’aime parce qu’on est
membre de J.-C. ; on aime J.-C. parce qu’il est
le corps dont on est membre. Tout est un. L’un est
en l’autre comme les trois personnes.
373.
il faut n’aimer que Dieu et ne haïr que soi.
Si le pied avait toujours ignoré qu’il appartînt
au corps et qu’il y eut un corps dont il dépendit,
s’il n’avait eu que la connaissance et l’amour
de soi et qu’il vînt à connaître
qu’il appartient à un corps duquel il dépend,
quel regret, quelle confusion de sa vie passée, d’avoir
été inutile au corps qui lui a influé
la vie, qui l’eût anéanti s’il l’eût
rejeté et séparé de soi, comme il se
séparait de lui. Quelles prières d’y
être conservé ! Et avec quelle soumission
se laisserait-il gouverner à la volonté qui
régit le corps, jusqu’à consentir à
être retranché s’il le faut ! Ou
il perdrait sa qualité de membre ; car il faut
que tout membre veuille bien périr pour le corps
qui est le seul pour qui tout est.
374.
si les pieds et les mains avaient une volonté
particulière, jamais ils ne seraient dans leur ordre
qu’en soumettant cette volonté particulière
à la volonté première qui gouverne
le corps entier. Hors de là ils sont dans le désordre
et dans le malheur ; mais en ne voulant que le bien
du corps, ils font leur propre bien.
375.
les philosophes ont consacré les vices en les
mettant en Dieu même ; les chrétiens ont
consacré les vertus.
376.
2 lois suffisent pour régler toute la république
chrétienne, mieux que toutes les lois politiques.
XXVII.
CONCLUSION
377.
Qu’il y a loin de la connaissance de Dieu à
l’aimer.
378.
si j’avais vu un miracle, disent-ils, je me convertirais.
Comment assurent-ils qu’ils feraient ce qu’ils
ignorent. Ils s’imaginent que cette conversion consiste
en une adoration qui se fait de Dieu comme un commerce et
une conversation telle qu’ils se la figurent. La conversion
véritable consiste à s’anéantir
devant cet être universel qu’on a irrité
tant de fois et qui peut vous perdre légitimement
à toute heure, à reconnaître qu’on
ne peut rien sans lui et qu’on n’a rien mérité
de lui que sa disgrâce. Elle consiste à connaître
qu’il y a une opposition invincible entre Dieu et nous
et que sans un médiateur il ne peut y avoir de commerce.
379.
les miracles ne servent pas à convertir mais
à condamner. (...).
380.
ne vous étonnez pas de voir des personnes simples
croire sans raisonnement. Dieu leur donne l’amour de
soi et la haine d’eux-mêmes. Il incline leur
coeur à croire. On ne croira jamais, d’une créance
utile et de foi si Dieu n’incline le coeur et on croira
dès qu’il l’inclinera. Et c’est ce
que David connaissait bien. (...).
381.
Ceux qui croient sans avoir lu les Testaments c’est
parce qu’ils ont une disposition intérieure
toute sainte et que ce qu’ils entendent dire de notre
religion y est conforme. Ils sentent qu’un Dieu les
a faits. Ils ne veulent aimer que Dieu, ils ne veulent haïr
qu’eux-mêmes. Ils sentent qu’ils n’en
ont pas la force d’eux-mêmes, qu’ils sont
incapables d’aller à Dieu et que si Dieu ne
vient à eux ils sont incapables d’aucune communication
avec lui et ils entendent dire dans notre religion qu’il
ne faut aimer que Dieu et ne haïr que soi-même,
mais qu’étant tous corrompus et incapables de
Dieu, Dieu s’est fait homme pour s’unir à
nous. Il n’en faut pas davantage pour persuader des
hommes qui ont cette disposition dans le coeur et qui ont
cette connaissance de leur devoir et de leur incapacité.
382.
connaissance de Dieu. Ceux que nous voyons chrétiens
sans la connaissance des prophéties et des preuves
ne laissent pas d’en juger aussi bien que ceux qui
ont cette connaissance. Ils en jugent par le coeur comme
les autres en jugent par l’esprit. C’est Dieu
lui même qui les incline à croire et ainsi
ils sont très efficacement persuadés. J’avoue
bien qu’un de ces chrétiens qui croient sans
preuves n’aura peut être pas de quoi convaincre
un infidèle, qui en dira autant de soi, mais ceux
qui savent les preuves de la religion prouveront sans difficulté
que ce fidèle est véritablement inspiré
de Dieu, quoi qu’il ne peut le prouver lui-même.
Car Dieu ayant dit dans ses prophètes, (qui sont
indubitablement prophètes) que dans le règne
de J.-C. il répandrait son esprit sur les nations
et que les fils, les filles et les enfants de l’Eglise
prophétiseraient il est sans doute que l’esprit
de Dieu est sur ceux-là et qu’il n’est
point sur les autres.
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