Blaise Pascal Pensées 1 - 2 - 3

242. que Dieu s’est voulu cacher. S’il n’y avait qu’une religion Dieu y serait bien manifeste. S’il n’y avait des martyrs qu’en notre religion de même. Dieu étant ainsi caché toute religion qui ne dit pas que Dieu est caché n’est pas véritable, et toute religion qui n’en rend pas la raison n’est pas instruisante. La nôtre fait tout cela.

243. la religion païenne est sans fondement. La religion mahométane a pour fondement l’alcoran, et Mahomet. Mais ce prophète qui devait être la dernière attente du monde a (-t-) il été prédit ? Et quelle marque a (-t-) il que n’ait aussi tout homme qui se voudra dire prophète. Quels miracles dit-il lui-même avoir faits ? Quel mystère a (-t-) il enseigné selon sa tradition même ? Quelle morale et quelle félicité ! La religion juive doit être regardée différemment. Dans la tradition des livres saints et dans la tradition du peuple. La morale et la félicité en est ridicule dans la tradition du peuple mais elle est admirable dans celle de leurs saints. Le fondement en est admirable. C’est le plus ancien livre du monde et le plus authentique et au lieu que Mahomet pour faire subsister le sien a défendu de le lire, Moïse pour faire subsister le sien a ordonné à tout le monde de le lire. Et toute religion est de même. Car la chrétienne est bien différente dans les livres saints et dans les casuistes. Notre religion est si divine qu’une autre religion divine n’en a que le fondement.

244. objection des athées. Mais nous n’avons nulle lumière.

XIX. LOI FIGURATIVE

245. Que la loi était figurative.

246. Figures. Les peuples juif et égyptien visiblement prédits par ces deux particuliers, que Moïse rencontra : l’égyptien battant le juif, Moïse le vengeant et tuant l’égyptien et le juif en étant ingrat.

247. figuratives. Fais toutes choses selon le patron qui t’a été montré en la montagne, sur quoi St Paul dit que les juifs ont peint les choses célestes.

248. figures. Les prophètes prophétisaient par figures, de ceinture, de barbe et cheveux brûlés, etc.

249. figuratives. Clef du chiffre.

250. figurat. Ces termes d’épée, d’écu, potentissime.

251. qui veut donner le sens de l’Ecriture et ne le prend point de l’Ecriture est ennemi de l’Ecriture. (...).

252. deux erreurs. 1. prendre tout littéralement. 2. prendre tout spirituellement.

253. figures. J.-C. leur ouvrit l’esprit pour entendre les Ecritures. Deux grandes ouvertures sont celles-là. 1. Toutes choses leur arrivaient en figures etc., Vrai pain du ciel. 2. Un Dieu humilié jusqu’à la croix. Il a fallu que le Christ ait souffert pour entrer en sa gloire, qu’il vaincrait la mort par sa mort-deux avènements.

254. parler contre les trop grands figuratifs.

255. Dieu pour rendre le messie connaissable aux bons et méconnaissable aux méchants l’a fait prédire en cette sorte, si la manière du messie eut été prédite clairement il n’y eut point eu d’obscurité même pour les méchants. Si le temps eut été prédit obscurément il y eut eu obscurité même pour les bons ne leur eut pas fait entendre que par exemple (le mem) signifie 600 ans. Mais le temps a été prédit clairement et la manière en figures. Par ce moyen les méchants prenant les biens promis pour matériels s’égarent malgré le temps prédit clairement et les bons ne s’égarent pas. Car l’intelligence des biens promis dépend du coeur qui appelle bien ce qu’il aime, mais l’intelligence du temps promis ne dépend point du coeur. Et ainsi la prédiction claire du temps et obscure des biens ne déçoit que les seuls méchants.

256. les juifs charnels n’entendaient ni la grandeur, ni l’abaissement du messie prédit dans leurs prophéties. Ils l’ont méconnu dans sa grandeur prédite, comme quand il dit que le messie sera seigneur de David, quoique son fils qu’il est devant qu’Abraham et qu’il l’a vu. Ils ne le croyaient pas si grand qu’il fût éternel, et ils l’ont méconnu de même dans son abaissement et dans sa mort. Le messie, disaient-ils, demeure éternellement et celui-ci dit qu’il mourra. Ils ne le croyaient donc ni mortel, ni éternel ; ils ne cherchaient en lui qu’une grandeur charnelle.

257. contradiction. On ne peut faire une bonne physionomie qu’en accordant toutes nos contrariétés et il ne suffit pas de suivre une suite de qualités accordantes sans accorder les contraires ; pour entendre le sens d’un auteur il faut accorder tous les passages contraires. Ainsi pour entendre l’Ecriture il faut avoir un sens dans lequel tous les passages contraires s’accordent ; il ne suffit pas d’en avoir un qui convienne à plusieurs passages accordants, mais d’en avoir un qui accorde les passages même contraires. Tout auteur a un sens auquel tous les passages contraires s’accordent ou il n’a point de sens du tout. On ne peut pas dire cela de l’Ecriture et des prophètes : ils avaient assurément trop de bon sens. Il faut donc en chercher un qui accorde toutes les contrariétés. Le véritable sens n’est donc pas celui des juifs, mais en J.-C. toutes les contradictions sont accordées. Les juifs ne sauraient accorder la cessation de la royauté et principauté prédite par Osée, avec la prophétie de Jacob. Si on prend la loi, les sacrifices et le royaume pour réalités on ne peut accorder tous les passages ; il faut donc par nécessité qu’ils ne soient que figures. On ne saurait pas même accorder les passages d’un même auteur, ni d’un même livre, ni quelquefois d’un même chapitre, ce qui marque trop quel était le sens de l’auteur ; comme quand Ezéchiel, ch. 20 dit qu’on vivra dans les commandements de Dieu et qu’on n’y vivra pas.

258. il n’était point permis de sacrifier hors de Jérusalem, qui était le lieu que le seigneur avait choisi, ni même de manger ailleurs les décimes etc. Osée a prédit qu’il serait sans roi, sans prince, sans sacrifice etc., sans idoles, ce qui est accompli aujourd’hui, ne pouvant faire sacrifice légitime hors de Jérusalem.

259. figure. Si la loi et les sacrifices sont la vérité il faut qu’elle plaise à Dieu et qu’elle ne lui déplaise point. S’ils sont figures il faut qu’ils plaisent et déplaisent. Or dans toute l’Ecriture ils plaisent et déplaisent. Il est dit que la loi sera changée, que le sacrifice sera changé, qu’ils seront sans roi, sans princes et sans sacrifices, qu’il sera fait une nouvelle alliance, que la loi sera renouvelée, que les préceptes qu’ils ont reçus ne sont pas bons, que leurs sacrifices sont abominables, que Dieu n’en a point demandé. Il est dit au contraire que la loi durera éternellement, que cette alliance sera éternelle, que le sacrifice sera éternel, que le sceptre ne sortira jamais d’avec eux, puis qu’il n’en doit point sortir que le roi éternel n’arrive. Tous ces passages marquent-ils que ce soit réalité ? Non ; marquent-ils aussi que ce soit figure ? Non, mais que c’est réalité ou figure ; mais les premiers excluant la réalité marque que ce n’est que figure. Tous ces passages ensemble ne peuvent être dits de la réalité ; tous peuvent être dits de la figure. Ils ne sont pas dits de la réalité mais de la figure.

260. un portrait porte absence et présence, plaisir et déplaisir. La réalité exclut absence et déplaisir. Figures. Pour savoir si la loi et les sacrifices sont réalité ou figure il faut voir si les prophètes en parlant de ces choses y arrêtaient leur vue et leur pensée, en sorte qu’ils n’y vissent que cette ancienne alliance, ou s’ils y voient quelque autre chose dont elle fut la peinture. Car dans un portrait on voit la chose figurée. Il ne faut pour cela qu’examiner ce qu’ils en disent. Quand ils disent qu’elle sera éternelle entendent-ils parler de l’alliance de laquelle ils disent qu’elle sera changée et de même des sacrifices etc. Le chiffre a deux sens. Quand on surprend une lettre importante où l’on trouve un sens clair, et où il est dit néanmoins que le sens en est voilé et obscurci, qu’il est caché en sorte qu’on verra cette lettre sans la voir et qu’on l’entendra sans l’entendre, que doit-on penser sinon que c’est un chiffre à double sens. Et d’autant plus qu’on y trouve des contrariétés manifestes dans le sens littéral. Les prophètes ont dit clairement qu’Israël serait toujours aimé de Dieu et que la loi serait éternelle et ils ont dit que l’on n’entendrait point leur sens et qu’il était voilé. Combien doit-on donc estimer ceux qui nous découvrent le chiffre et nous apprennent à connaître le sens caché, et principalement quand les principes qu’ils en prennent sont tout à fait naturels et clairs ? C’est ce qu’a fait J.-C. et les apôtres. Ils ont levé le sceau. Il a rompu le voile et a découvert l’esprit. Ils nous ont appris pour cela que les ennemis de l’homme sont ses passions, que le rédempteur serait spirituel et son règne spirituel, qu’il y aurait deux avènements l’un de misère pour abaisser l’homme superbe, l’autre de gloire pour élever l’homme humilié, que J.-C. serait Dieu et homme.

261. le temps du premier avènement sciemment prédit, le temps du second ne l’est point, parce que le premier devait être caché, le second devait être éclatant, et tellement manifeste que ses ennemis mêmes le devaient reconnaître, mais il ne devait venir qu’obscurément et que pour être connu de ceux qui sonderaient les Ecritures.

262. que pouvaient faire les juifs, ses ennemis ? S’ils le reçoivent ils le prouvent par leur réception, car les dépositaires de l’attente du messie le recevaient et s’ils le renoncent ils le prouvent par leur renonciation.

263. contrariétés. Le sceptre jusqu’au messie sans roi-ni prince. Loi éternelle, changée. Alliance éternelle, alliance nouvelle. Loi bonne, préceptes mauvais. Eze 20.

264. les juifs étaient accoutumés aux grands et éclatants miracles et ainsi ayant eu les grands coups de la mer rouge et la terre de Canaan comme un abrégé des grandes choses de leur messie ils en attendaient donc de plus éclatants, dont ceux de Moïse n’étaient que l’échantillon.

265. figure porte absence et présence, plaisir et déplaisir. Chiffre à double sens. Un clair et où il est dit que le sens est caché.

266. on pourrait peut-être penser que quand les prophètes ont prédit que le sceptre ne sortirait point de Juda jusqu’au roi éternel ils auraient parlé pour flatter le peuple et que leur prophétie se serait trouvée fausse à Hérode. Mais pour montrer que ce n’est pas leur sens, et qu’ils savaient bien au contraire que ce royaume temporel devait cesser, ils disent qu’ils seront sans roi et sans prince. Et longtemps durant. Osée.

267. figures. Dès qu’on a ouvert ce secret il est impossible de ne le pas voir. Qu’on lise le vieil testament en cette vue et qu’on voie si les sacrifices étaient vrais, si la parenté d’Abraham était la vraie cause de l’amitié de Dieu, si la terre promise était le véritable lieu de repos ? Non, donc c’étaient des figures. Qu’on voie de même toutes les cérémonies ordonnées et tous les commandements qui ne sont point pour la charité, on verra que c’en sont les figures. Tous ces sacrifices et cérémonies étaient donc figures ou sottises, or il y a des choses claires trop hautes pour les estimer des sottises. Savoir si les prophètes arrêtaient leur vue dans l’ancien testament ou s’ils y voyaient d’autres choses.

268. figures. La lettre tue-tout arrivait en figures-il fallait que le Christ souffrit-un Dieu humilié-voilà le chiffre que St Paul nous donne. Circoncision du coeur, vrai jeûne, vrai sacrifice, vrai temple : les prophètes ont indiqué qu’il fallait que tout cela fut spirituel. Non la viande qui périt, mais celle qui ne périt point. Vous serez vraiment libre ; donc l’autre liberté n’est qu’une figure de liberté. Je suis le vrai pain du ciel.

269. il y en a qui voient bien qu’il n’y a pas d’autre ennemi de l’homme que la concupiscence qui les détourne de Dieu, et non pas des (ennemis), ni d’autre bien que Dieu, et non pas une terre grasse. Ceux qui croient que le bien de l’homme est en sa chair et le mal en ce qui le détourne des plaisirs des sens qu’il(s) s’en soûle(nt) et qu’il(s) y meure(nt). Mais ceux qui cherchent Dieu de tout leur coeur, qui n’ont de déplaisir que d’être privés de sa vue, qui n’ont de désir que pour le posséder et d’ennemis que ceux qui les en détournent, qui s’affligent de se voir environnés et dominés de tels ennemis, qu’ils se consolent, je leur annonce une heureuse nouvelle ; il y a un libérateur pour eux ; je le leur ferai voir ; je leur montrerai qu’il y a un Dieu pour eux ; je ne le ferai pas voir aux autres. Je ferai voir qu’un messie a été promis pour délivrer des ennemis, et qu’il en est venu un pour délivrer des iniquités, mais non des ennemis. Quand David prédit que le messie délivrera son peuple de ses ennemis on peut croire charnellement que ce sera des Egyptiens, et alors je ne saurais montrer que la prophétie soit accomplie, mais on peut bien croire aussi que ce sera des iniquités. Car dans la vérité les Egyptiens ne sont point ennemis, mais les iniquités le sont. Ce mot d’ennemis est donc équivoque, mais s’il dit ailleurs comme il fait qu’il délivrera son peuple de ses péchés, aussi bien qu’Isaïe et les autres, l’équivoque est ôtée, et le sens double des ennemis réduit au sens simple d’iniquités. Car s’il avait dans l’esprit les péchés il les pouvait bien dénoter par ennemis mais s’il pensait aux ennemis il ne les pouvait pas désigner par iniquités. Or Moïse et David et Isaïe usaient de mêmes termes. Qui dira donc qu’ils n’avaient pas même sens et que le sens de David qui était manifestement d’iniquités lorsqu’il parlait d’ennemis, ne fut pas le même que Moïse en parlant d’ennemis. Daniel, ix, prie pour la délivrance du peuple de la captivité de leurs ennemis. Mais il pensait aux péchés, et pour le montrer, il dit que Gabriel lui vint dire qu’il était exaucé et qu’il n’y avait plus que 70 semaines à attendre, après quoi le peuple serait délivré d’iniquité. Le péché prendrait fin et le libérateur, le saint des saints amènerait la justice éternelle, non la légale, mais l’éternelle.

270. a. Figures. Les juifs avai(ent) vieilli dans ces pensées terrestres : que Dieu aimait leur père Abraham, sa chair et ce qui en sortait, que pour cela il les avait multipliés et distingués de tous les autres peuples sans souffrir qu’ils s’y mêlassent, que quand ils languissaient dans l’Egypte ils les en retira avec tous ses grands signes en leur faveur, qu’ils les nourrit de la manne dans le désert, qu’il les mena dans une terre bien grasse, qu’il leur donna des rois et un temple bien bâti pour y offrir des bêtes, et, par le moyen de l’effusion de leur sang qu’ils seraient purifiés, et qu’il leur devait enfin envoyer le messie pour les rendre maîtres de tout le monde, et il a prédit le temps de sa venue. Le monde ayant vieilli dans ces erreurs charnelles. J.-C. est venu dans le temps prédit, mais non pas dans l’éclat attendu, et ainsi ils n’ont pas pensé que ce fut lui. Après sa mort St Paul est venu apprendre aux hommes que toutes ces choses étaient arrivées en figure, que le royaume de Dieu ne consistait pas en la chair, mais en l’esprit, que les ennemis des hommes n’étaient pas le(ur)s babyloniens, mais leurs passions, que Dieu ne se plaisait pas aux temples faits de main, mais en un coeur pur et humilié, que la circoncision du corps était inutile, mais qu’il fallait celle du coeur, que Moïse ne leur avait pas donné le pain du ciel etc. Mais Dieu n’ayant pas voulu découvrir ces choses à ce peuple qui en était indigne et ayant voulu néanmoins les produire afin qu’elles fussent crues, il en a prédit le temps clairement (je ne dis pas bien) et les a quelquefois exprimées clairement mais abondamment en figures afin que ceux qui aimaient les choses figurantes s’y arrêtassent et que ceux qui aimaient les figurées les y vissent. Tout ce qui ne va point à la charité est figure. L’unique objet de l’Ecriture est la charité. Tout ce qui ne va point à l’unique bien en est la figure. Car puisqu’il n’y a qu’un but tout ce qui n’y va point en mots propres est figure. Dieu diversifie ainsi cet unique précepte de charité pour satisfaire notre curiosité qui recherche la diversité par cette diversité qui nous mène toujours à notre unique nécessaire. Car une seule chose est nécessaire et nous aimons la diversité, et Dieu satisfait à l’un et à l’autre par ces diversités qui mènent au seul nécessaire. Les juifs ont tant aimé les choses figurantes et les ont si bien attendues qu’ils ont méconnu la réalité quand elle est venue dans le temps et en la manière prédite. Les rabbins prennent pour figure les mamelles de l’épouse et tout ce qui n’exprime pas l’unique but qu’ils ont des biens temporels. Et les chrétiens prennent même l’eucharistie pour figure de la gloire où ils tendent.

271. J.-C. n’a fait autre chose qu’apprendre aux hommes qu’ils s’aimaient eux-mêmes, qu’ils étaient esclaves, aveugles, malades, malheureux et pécheurs ; qu’il fallait qu’il les délivrât, éclairât, béatifiât et guérît, que cela se ferait en se haïssant soi-même et en le suivant par la misère et la mort de la croix.

272. Figures. Quand la parole de Dieu qui est véritable est fausse littéralement elle est vraie spirituellement. (...) : cela est faux littéralement, donc cela est vrai spirituellement. En ces expressions il est parlé de Dieu à la manière des hommes. Et cela ne signifie autre chose sinon que l’intention que les hommes ont en faisant asseoir à leur droite Dieu l’aura aussi. C’est donc une marque de l’intention de Dieu, non de sa manière de l’exécuter. Ainsi quand il dit : Dieu a reçu l’odeur de vos parfums et vous donnera en récompense une terre grasse, c’est-à-dire la même intention qu’aurait un homme qui, agréant vos parfums, vous donnerait en récompense une terre grasse, Dieu aura la même intention pour vous parce que vous avez eu pour lu(i) même intention qu’un homme a pour celui à qui il donne des parfums. Ainsi iratus est , Dieu jaloux etc. Car les choses de Dieu étant inexprimables elles ne peuvent être dites autrement et l’Eglise d’aujourd’hui en use encore, etc. Il n’est pas permis d’attribuer à l’Ecriture des sens qu’elle ne nous a pas révélé qu’elle a. Ainsi de dire que le (mem) d’Isaïe signifie 600 cela n’est pas révélé. Il n’est pas dit que les (tsadé) et les (hé) déficientes signifieraient des mystères. Il n’est donc pas permis de le dire. Et encore moins de dire que c’est la manière de la pierre philosophale. Mais nous disons que le sens littéral n’est pas le vrai parce que les prophètes l’ont dit eux-mêmes.

273. ceux qui ont peine à croire cherchent un sujet en ce que les juifs ne croient pas. Si cela était si clair, dit-on, pourquoi ne croiraient-ils pas ? Et voudraient quasi qu’ils crussent afin de n’être point arrêtés par l’exemple de leur refus. Mais c’est leur refus même qui est le fondement de notre créance. Nous y serions bien moins disposés s’ils étaient des nôtres : nous aurions alors un bien plus ample prétexte. Cela est admirable d’avoir rendu les juifs grands amateurs des choses prédites et grands ennemis de l’accomplissement.

274. preuves des deux testaments à la fois. Pour prouver d’un coup tous les deux il ne faut que voir si les prophéties de l’un sont accomplies en l’autre. Pour examiner les prophéties il faut les entendre. Car si on croit qu’elles n’ont qu’un sens il est sûr que le messie ne sera point venu, mais si elles ont deux sens il est sûr qu’il sera venu en J.-C.. Toute la question est donc de savoir si elles ont deux sens. Que l’Ecriture a deux sens. Que J.-C. et les apôtres ont donné(es) dont voici les preuves.

1. Preuve par l’Ecriture même.

2. Preuves par les rabbins. Moïse Mammon dit qu’elle a deux faces prou(vées) et que les prophètes n’ont prophétisé que de J.-C.

3. Preuves par la Cabale.

4. Preuves par l’interprétation mystique que les rabbins mêmes donnent de l’Ecriture.

5. Preuves par les principes des rabbins qu’il y a deux sens. Qu’il y a deux avènements du messie, glorieux ou abject selon leur mérite — que les prophètes n’ont prophétisé que du messie — la loi n’est pas éternelle, mais doit changer au messie — qu’alors on ne se souviendra plus de la mer Rouge — que les juifs et les gentils seront mêlés.

275. a. Figures. Isaïe — 51 la mer Rouge image de la rédemption. Dieu voulant faire paraître qu’il pouvait former un peuple saint d’une sainteté invisible et le remplir d’une gloire éternelle a fait des choses visibles. Comme la nature est une image de la grâce il a fait dans les biens de la nature ce qu’il devait faire dans ceux de la grâce, afin qu’on jugeât qu’il pouvait faire l’invisible puisqu’il faisait bien le visible. Il a donc sauvé le peuple du déluge ; il l’a fait naître d’Abraham, il l’a racheté d’entre ses ennemis et l’a mis dans le repos. L’objet de Dieu n’était pas de sauver du déluge, et de faire naître tout un peuple d’Abraham pour nous introduire que dans une terre grasse. Et même la grâce n’est que la figure de la gloire. Car elle n’est pas la dernière fin. Elle a été figurée par la loi et figure elle-même la grâce, mais elle en est la figure et le principe ou la cause. La vie ordinaire des hommes est semblable à celle des saints. Ils recherchent tous leur satisfaction et ne diffèrent qu’en l’objet où ils la placent. Ils appellent leurs ennemis ceux qui les en empêchent etc. Dieu a donc montré le pouvoir qu’il a de donner les biens invisibles par celui qu’il a montré qu’il avait sur les visibles.

276. de deux personnes qui disent de sots contes, l’une qui voit double sens entendu dans la Cabale, l’autre qui n’a que ce sens, si quelqu’un n’étant pas du secret entend discourir les deux en cette sorte il en fera même jugement. Mais si ensuite dans le reste du discours l’un dit des choses angéliques et l’autre toujours des choses plates et communes il jugera que l’un parlait avec mystère et non pas l’autre, l’un ayant assez montré qu’il est incapable de telles sottises et capable d’être mystérieux, l’autre qu’il est incapable de mystère et capable de sottise. Le vieux testament est un chiffre.

XX. RABBINAGE

277. Chronologie du rabbinisme. Les citations des pages sont du livre Pugio. P. 27 R Hakadosch. Auteur du Mischna ou loi vocale, ou seconde loi — an 200. (...). Bereschit Rabah, par R Osaia Rabah, commentaire du Mischna. Bereschit Rabah, Bar Mechoni sont des discours subtils, agréables, historiques et théologiques. Ce même auteur a fait des livres appelés Rabot. Cent ans après le Talmud hieros. fut fait le Talmud babylonique par R. Ase, par le consentement universel de tous les juifs qui sont nécessairement obligés d’observer tout ce qui y est contenu. L’addition de R. Ase s’appelle Gemara c’est-à-dire le commentaire du Mischna. Et le Talmud comprend ensemble le Mischna et le Gemara.

278. Tradition ample du péché originel selon les juifs. Sur le mot de la genèse 8, la composition du coeur de l’homme est mauvaise dès son enfance. R. Moyse Haddarschan. Ce mauvais levain est mis dans l’homme dès l’heure où il est formé. Massachet Succa. Ce mauvais levain a sept noms : dans l’Ecriture il est appelé mal, prépuce, immonde, ennemi, scandale, coeur de pierre, aquilon, tout cela signifie la malignité qui est cachée et empreinte dans le coeur de l’homme. Misdrach Tillim dit la même chose et que Dieu délivrera la bonne nature de l’homme de la mauvaise. Cette malignité se renouvelle tous les jours contre l’homme comme il est écrit ps. 137. L’impie observe le juste et cherche à le faire mourir, mais Dieu ne l’abandonnera point. Cette malignité tente le coeur de l’homme en cette vie et l’accusera en l’autre. Tout cela se trouve dans le talmud. Midrasch Tillim sur le ps. 4. Frémissez et vous ne pécherez point. Frémissez et épouvantez votre concupiscence et elle ne vous induira point à pécher. Et sur le ps. 36. L’impie a dit en son coeur que la crainte de Dieu ne soit point devant moi, c’est-à-dire que la malignité naturelle de l’homme a dit cela à l’impie. Midrasch el Kohelet. Meilleur est l’enfant pauvre et sage que le roi vieux et fol qui ne sait pas prévoir l’avenir. L’enfant est la vertu et le roi est la malignité de l’homme. Elle est appelée roi parce que tous les membres lui obéissent et vieux parce qu’il est dans le coeur de l’homme depuis l’enfance jusqu’à la vieillesse, et fol parce que il conduit l’homme dans la voie de (per)dition qu’il ne prévoit point. La même chose est dans Midrasch Tillim. Bereschit Rabba sur le ps. 35. Seigneur tous mes os te béniront parce que tu délivres le pauvre du tyran et y a (-t-) il un plus grand tyran que le mauvais levain. Et sur les proverbes 25. Si ton ennemi a faim donnes-lui à manger, c’est-à-dire si le mauvais levain a faim donnez-lui du pain de la sagesse dont il est parlé proverbe 9. Et s’il a soif donne-lui de l’eau dont il est parlé. Isaïe 55. Midrasch Tillim dit la même chose et que l’Ecriture en cet endroit, en parlant de notre ennemi entend le mauvais levain et qu’en lui donnant ce pain et cette eau on lui assemblera des charbons sur la tête. Midrasch Kohelet sur l’Ecc. 9. Un grand roi a assiégé une petite ville. Ce grand roi est le mauvais levain. Les grandes machines dont il l’environne sont les tentations, et il a été trouvé un homme sage et pauvre qui l’a délivrée, c’est-à-dire la vertu. Et sur le ps. 41. Bienheureux qui a égard aux pauvres. Et sur le ps. 78. L’esprit s’en va et ne revient plus, d’où quelques-uns ont pris sujet d’errer contre l’immortalité de l’âme ; mais le sens est que cet esprit est le mauvais levain, qui s’en va avec l’homme jusqu’à la mort et ne reviendra point en la résurrection. Et sur le ps. 103. La même chose. Et sur le ps. 16. Principes des rabbins : deux messies.

XXI. PERPETUITE

279. Un mot de David ou de Moïse, comme que Dieu circoncira leur coeur fait juger de leur esprit. Que tous leurs autres discours soient équivoques et douteux d’être philosophes ou chrétiens, enfin un mot de cette nature détermine tous les autres comme un mot d’Epictète détermine tout le reste au contraire. Jusque là l’ambiguïté dure et non pas après.

280. les états périraient si on ne faisait ployer souvent les lois à la nécessité, mais jamais la religion n’a souffert cela et n’en a usé. Aussi il faut ces accommodements ou des miracles. Il n’est pas étrange qu’on se conserve en ployant, et ce n’est pas proprement se maintenir, et encore périssent-ils enfin entièrement. Il n’y en a point qui ait duré 1000 ans. Mais que cette religion se soit toujours maintenue et inflexible... cela est divin.

281. perpétuité. Cette religion qui consiste à croire que l’homme est déchu d’un état de gloire et de communication avec Dieu en un état de tristesse de pénitence et d’éloignement de Dieu, mais qu’après cette vie nous serons rétablis par un messie qui devait venir, a toujours été sur la terre. Toutes choses ont passé et celle-là a subsisté par laquelle sont toutes choses. Les hommes dans le premier âge du monde ont été emportés dans toutes sortes de désordres, et il y avait cependant des saints comme Enoch, Lamech, et d’autres qui attendaient en patience le Christ promis dès le commencement du monde. Noé a vu la malice des hommes au plus haut degré et il a mérité de sauver le monde en sa personne par l’espérance du messie, dont il a été la figure. Abraham était environné d’idolâtres quand Dieu lui a fait connaître le mystère du messie qu’il a salué de loin ; au temps d’Isaac et de Jacob, l’abomination était répandue sur toute la terre, mais ces saints vivaient en leur foi, et Jacob mourant et bénissant ses enfants s’écrie par un transport qui lui fait interrompre son discours : j’attends, ô mon Dieu, le sauveur que vous avez promis, etc. Les Egyptiens étaient infectés et d’idolâtrie et de magie, le peuple de Dieu même était entraîné par leur exemple. Mais cependant Moïse et d’autres voyaient celui qu’ils ne voyaient pas, et l’adoraient en regardant aux dons éternels qu’il leur préparait. Les grecs et les latins ensuite ont fait régner les fausses déités, les poètes ont fait cent diverses théologies. Les philosophes se sont séparés en mille sectes différentes. Et cependant il y avait toujours au coeur de la Judée des hommes choisis qui prédisaient la venue de ce messie qui n’était connu que d’eux. Il est venu enfin en la consommation des temps et depuis on a vu naître tant de schismes et d’hérésies, tant renverser d’états, tant de changements en toutes choses, et cette église qui adore celui qui a toujours été a subsisté sans interruption et ce qui est admirable, incomparable et tout à fait divin, est que cette religion qui a toujours duré a toujours été combattue. Mille fois elle a été à la veille d’une destruction universelle, et toutes les fois qu’elle a été en cet état Dieu l’a relevée par des coups extraordinaires de sa puissance. Car ce qui est étonnant est qu’elle s’est maintenue sans fléchir et plier sous la volonté des tyrans, car il n’est pas étrange qu’un état subsiste lorsque l’on fait quelquefois céder ses lois à la nécessité ; mais que-voyez le rond dans Montaigne.

282. perpétuité. Le messie a toujours été cru. La tradition d’Adam était encore nouvelle en Noé et en Moïse. Les prophètes l’ont prédit depuis en prédisant toujours d’autres choses dont les événements qui arrivaient de temps en temps à la vue des hommes marquaient la vérité de leur mission et par conséquent celle de leurs promesses touchant le messie. Jésus C a fait des miracles et les apôtres aussi qui ont converti tous les païens et par là toutes les prophéties étant accomplies le messie est prouvé pour jamais.

283. les six âges, les six pères des six âges, les six merveilles à l’entrée des six âges, les six orients à l’entrée des six âges.

284. la seule religion contre la nature, contre le sens commun, contre nos plaisirs est la seule qui ait toujours été.

285. si l’ancienne Eglise était dans l’erreur l’Eglise est tombée. Quand elle y serait aujourd’hui ce n’est pas de même, car elle a toujours la maxime supérieure de la tradition de la créance de l’ancienne Eglise. Et ainsi cette soumission et cette conformité à l’ancienne Eglise prévaut et corrige tout. Mais l’ancienne Eglise ne supposait pas l’Eglise future et ne la regardait pas, comme nous supposons et regardons l’ancienne.

286. 2 sortes d’hommes en chaque religion. Parmi les païens des adorateurs de bêtes, et les autres adorateurs d’un seul Dieu dans la religion naturelle. Parmi les juifs les charnels et les spirituels qui étaient les chrétiens de la loi ancienne. Parmi les chrétiens les grossiers qui sont les juifs de la loi nouvelle. Les juifs charnels attendaient un messie charnel et les chrétiens grossiers croient que le messie les a dispensés d’aimer Dieu. Les vrais juifs et les vrais chrétiens adorent un messie qui leur fait aimer Dieu.

287. qui jugera de la religion des juifs par les grossiers la connaîtra mal. Elle est visible dans les saints livres et dans la tradition des prophètes qui ont assez fait entendre qu’ils n’entendaient pas la loi à la lettre. Ainsi notre religion est divine dans l’Evangile, les apôtres et la tradition, mais elle est ridicule dans ceux qui la traitent mal. Le messie selon les juifs charnels doit être un grand prince temporel. J.-C. selon les chrétiens charnels est venu nous dispenser d’aimer Dieu, et nous donner des sacrements qui opèrent tout sans nous ; ni l’un ni l’autre n’est la religion chrétienne, ni juive. Les vrais juifs et les vrais chrétiens ont toujours attendu un messie qui les ferait aimer Dieu et par cet amour triompher de leurs ennemis.

288. Moïse, Deut. 30 promet que Dieu circoncira leur coeur pour les rendre capables de l’aimer.

289. les juifs charnels tiennent le milieu entre les chrétiens et les païens. Les païens ne connaissent point Dieu et n’aiment que la terre, les juifs connaissent le vrai Dieu et n’aiment que la terre, les chrétiens connaissent le vrai Dieu et n’aiment point la terre. Les juifs et les païens aiment les mêmes biens. Les juifs et les chrétiens connaissent le même Dieu. Les juifs étaient de deux sortes. Les uns n’avaient que les affections païennes, les autres avaient les affections chrétiennes.

XXII. PREUVES DE MOÏSE

290. Autre rond. La longueur de la vie des patriarches, au lieu de faire que les histoires des choses passées se perdissent, servait au contraire à les conserver. Car ce qui fait que l’on n’est pas quelquefois assez instruit dans l’histoire de ses ancêtres est que l’on n’a jamais guère vécu avec eux, et qu’ils sont morts souvent devant que l’on eût atteint l’âge de raison. Or, lorsque les hommes vivaient si longtemps, les enfants vivaient longtemps avec leurs pères. Ils les entretenaient longtemps. Or, de quoi les eussent-ils entretenus, sinon de l’histoire de leurs ancêtres, puisque toute l’histoire était réduite à celle-là, qu’ils n’avaient point d’études, ni de sciences, ni d’arts, qui occupent une grande partie des discours de la vie ? Aussi l’on voit qu’en ce temps les peuples avaient un soin particulier de conserver leurs généalogies.

291. cette religion si grande en miracles, saints, purs, irréprochables, savants et grands témoins, martyrs ; rois – David – établis ; Isaïe prince du sang ; si grande en science après avoir étalé tous ses miracles et toute sa sagesse. Elle réprouve tout cela et dit qu’elle n’a ni sagesse, ni signe, mais la croix et la folie. Car ceux qui par ces signes et cette sagesse ont mérité votre créance et qui vous ont prouvé leur caractère, vous déclarent que rien de tout cela ne peut nous changer et nous rendre capable de connaître et aimer Dieu que la vertu de la folie de la croix, sans sagesse ni signe et point non les signes sans cette vertu. Ainsi notre religion est folle en regardant à la cause efficace et sage en regardant à la sagesse qui y prépare.

292. preuves de Moïse. Pourquoi Moïse va (-t-) il faire la vie des hommes si longue et si peu de générations. Car ce n’est pas la longueur des années mais la multitude des générations qui rendent les choses obscures. Car la vérité ne s’altère que par le changement des hommes. Et cependant il met deux choses les plus mémorables qui se soient jamais imaginées, savoir la création et le déluge si proches qu’on y touche.

293. si on doit donner huit jours on doit donner toute la vie.

294. tandis que les prophètes ont été pour maintenir la loi le peuple a été négligent. Mais depuis qu’il n’y a plus eu de prophètes le zèle a succédé.

295. Josèphe cache la honte de sa nation. Moïse ne cache pas la honte propre ni... il était las du peuple.

296. Sem qui a vu Lameth qui a vu Adam a vu aussi Jacob qui a vu ceux qui ont vu Moïse : donc le déluge et la création sont vrais. Cela conclut entre de certaines gens qui l’entendent bien.

297. zèle du peuple juif pour sa loi et principalement depuis qu’il n’y a plus eu de prophètes.

XXIII. PREUVES DE JESUS-CHRIST

298. L’ordre. Contre l’objection que l’Ecriture n’a pas d’ordre. Le coeur a son ordre, l’esprit a le sien qui est par principe et démonstration. Le coeur en a un autre. On ne prouve pas qu’on doit être aimé en exposant d’ordre les causes de l’amour ; cela serait ridicule. J.-C., Saint Paul ont l’ordre de la charité, non de l’esprit, car ils voulaient rabaisser, non instruire. Saint Augustin de même. Cet ordre consiste principalement à la digression sur chaque point qui a rapport à la fin, pour la montrer toujours.

299. l’Evangile ne parle de la virginité de la vierge que jusques à la naissance de J.-C.. Tout par rapport à J.-C..

300. J.-C. dans une obscurité (selon ce que le monde appelle obscurité), telle que les historiens n’écrivant que les importantes choses des états l’ont à peine aperçu.

301. sainteté. Tous les peuples étaient dans l’infidélité et dans la concupiscence, toute la terre fut ardente de charité : les princes quittent leur grandeur, les filles souffrent le martyr. D’où vient cette force ? C’est que le messie est arrivé. Voilà l’effet et les marques de sa venue.

302. les combinaisons des miracles.

303. un artisan qui parle des richesses, un procureur qui parle de la guerre, de la royauté, etc., mais le riche parle bien des richesses, le roi parle froidement d’un grand don qu’il vient de faire, et Dieu parle bien de Dieu.

304. preuves de J.-C. Pourquoi le livre de Ruth, conservé. Pourquoi l’histoire de Thamar.

305. preuves de J.-C. Ce n’est pas avoir été captif que de l’avoir été avec assurance d’être délivré, dans 70 ans, mais maintenant ils le sont sans aucun espoir. Dieu leur a promis qu’encore qu’il les dispersât aux bouts du monde, néanmoins s’ils étaient fidèles à sa loi il les rassemblerait. Ils y sont très fidèles et demeurent opprimés.

306. les juifs en éprouvant s’il était Dieu ont montré qu’il était homme.

307. l’Eglise a eu autant de peine à montrer que J.-C. était homme, contre ceux qui le niaient qu’à montrer qu’il était Dieu, et les apparences étaient aussi grandes.

308. la distance infinie des corps aux esprits figure la distance infiniment plus infinie des esprits à la charité car elle est surnaturelle. Tout l’éclat des grandeurs n’a point de lustre pour les gens qui sont dans les recherches de l’esprit. La grandeur des gens d’esprit est invisible aux rois, aux riches, aux capitaines, à tous ces grands de chair. La grandeur de la sagesse, qui n’est nulle sinon de Dieu, est invisible aux charnels et aux gens d’esprit. Ce sont trois ordres différents, de genre. Les grands génies ont leur empire, leur éclat, leur grandeur, leur victoire et leur lustre, et n’ont nul besoin des grandeurs charnelles où elles n’ont pas de rapport. Ils sont vus, non des yeux mais des esprits. C’est assez. Les saints ont leur empire, leur éclat, leur victoire, leur lustre et n’ont nul besoin des grandeurs charnelles ou spirituelles, où elles n’ont nul rapport, car elles n’y ajoutent ni ôtent. Ils sont vus de Dieu et des anges et non des corps ni des esprits curieux. Dieu leur suffit. Archimède sans éclat serait en même vénération. Il n’a pas donné des batailles pour les yeux, mais il a fourni à tous les esprits ses inventions. ô qu’il a éclaté aux esprits. J.-C. sans biens, et sans aucune production au dehors de science, est dans son ordre de sainteté. Il n’a point donné d’inventions. Il n’a point régné, mais il a été humble, patient, saint, saint, saint à Dieu, terrible aux démons, sans aucun péché. ô qu’il est venu en grande pompe et en une prodigieuse magnificence aux yeux du coeur et qui voient la sagesse. Il eut été inutile à Archimède de faire le prince dans ses livres de géométrie, quoiqu’il le fut. Il eut été inutile à N.-S. J.-C. pour éclater dans son règne de sainteté, de venir en roi, mais il y est bien venu avec l’éclat de son ordre. Il est bien ridicule de se scandaliser de la bassesse de J.-C., comme si cette bassesse était du même ordre duquel est la grandeur qu’il venait faire paraître. Qu’on considère cette grandeur-là dans sa vie, dans sa passion, dans son obscurité, dans sa mort, dans l’élection des siens, dans leur abandonnement, dans sa secrète résurrection et dans le reste. On la verra si grande qu’on n’aura pas sujet de se scandaliser d’une bassesse qui n’y est pas. Mais il y en a qui ne peuvent admirer que les grandeurs charnelles comme s’il n’y en avait pas de spirituelles. Et d’autres qui n’admirent que les spirituelles comme s’il n’y en avait pas d’infiniment plus hautes dans la sagesse. Tous les corps, le firmament, les étoiles, la terre et ses royaumes, ne valent pas le moindre des esprits. Car il connaît tout cela, et soi, et les corps rien. Tous les corps ensemble et tous les esprits ensemble et toutes leurs productions ne valent pas le moindre mouvement de charité. Cela est d’un ordre infiniment plus élevé. De tous les corps ensemble on ne saurait en faire réussir une petite pensée. Cela est impossible et d’un autre ordre. De tous les corps et esprits on n’en saurait tirer un mouvement de vraie charité cela est impossible, et d’un autre ordre surnaturel.

309. preuves de J.-C.. J.-C. a dit les choses grandes si simplement qu’il semble qu’il ne les a pas pensées, et si nettement néanmoins qu’on voit bien ce qu’il en pensait. Cette clarté jointe à cette naïveté est admirable.

310. preuves de J.-C.. L’hypothèse des apôtres fourbes est bien absurde. Qu’on la suive tout au long, qu’on s’imagine ces douze hommes assemblés après la mort de J.-C., faisant le complot de dire qu’il est ressuscité. Ils attaquent par là toutes les puissances. Le coeur des hommes est étrangement penchant à la légèreté, au changement, aux promesses, aux biens, si peu que l’un de ceux-là se fût démenti par tous ces attraits, et qui plus est par les prisons, par les tortures et par la mort, ils étaient perdus. Qu’on suive cela.

311. c’est une chose étonnante et digne d’une étrange attention de voir ce peuple juif subsister depuis tant d’années et de le voir toujours misérable, étant nécessaire pour la preuve de J.-C. et qu’il subsiste pour le prouver et qu’il soit misérable, puis qu’ils l’ont crucifié. Et quoiqu’il soit contraire d’être misérable et de subsister il subsiste néanmoins toujours malgré sa misère.

313. canoniques. Les hérétiques au commencement de l’Eglise servent à prouver les canoniques.

314. quand Nabuchodonosor emmena le peuple de peur qu’on ne crût que le sceptre fut ôté de Juda il leur dit auparavant qu’ils y seraient peu, et qu’ils y seraient, et qu’ils seraient rétablis. Ils furent toujours consolés par les prophètes ; leurs rois continuèrent. Mais la seconde destruction est sans promesse de rétablissement, sans prophètes, sans roi, sans consolation, sans espérance parce que le sceptre est ôté pour jamais.

315. Moïse d’abord enseigne la trinité, le péché originel, le messie. David grand témoin. Roi, bon, pardonnant, belle âme, bon esprit, puissant. Il prophétise et son miracle arrive. Cela est infini. Il n’avait qu’à dire qu’il était le messie s’il eut eu de la vanité, car les prophéties sont plus claires de lui que de J.-C.. Et Saint Jean de même.

316. qui a appris aux évangélistes les qualités d’une âme parfaitement héroïque, pour la peindre si parfaitement en J.-C. ? Pourquoi le font-ils faible dans son agonie ? Ne savent-ils pas peindre une mort constante ? Oui, car le même Saint Luc peint celle de Saint Etienne plus forte que celle de J.-C. Ils le font capable de crainte, avant que la nécessité de mourir soit arrivée, et ensuite tout fort. Mais quand ils le font si troublé c’est quand il se trouble lui-même et quand les hommes le troublent il est fort.

317. le zèle des juifs pour leur loi et leur temple. Josèphe et Philon Juif, etc. Quel autre peuple a un tel zèle, il fallait qu’ils l’eussent. J.-C. prédit quant au temps et à l’état du monde. Le duc ôté de la cuisse, et la 4e monarchie. Qu’on est heureux d’avoir cette lumière dans cette obscurité. Qu’il est beau de voir par les yeux de la foi, Darius et Cyrus, Alexandre, les romains, Pompée et Hérode, agir sans le savoir pour la gloire de l’Evangile.

318. la discordance apparente des évangiles.

319. la synagogue a précédé l’Eglise, les juifs les chrétiens. Les prophètes ont prédit les chrétiens. St Jean ; J.-C..

320. macrobe. Des innocents tués par Hérode.

321. tout homme peut faire ce qu’a fait Mahomet. Car il n’a point fait de miracles, il n’a point été prédit. Nul homme ne peut faire ce qu’a fait J.-C..

322. les apôtres ont été trompés ou trompeurs. L’un et l’autre est difficile. Car il n’est pas possible de prendre un homme pour être ressuscité. Tandis que J.-C. était avec eux, il les pouvait soutenir, mais après cela, s’il ne leur est apparu, qui les a fait agir ?

XXIV. PROPHETIES

323. Ruine des juifs et des païens par Jésus-Christ : etc.

324. qu’alors l’idolâtrie serait renversée, que ce messie abattrait toutes les idoles et ferait entrer les hommes dans le culte du vrai Dieu. Que les temples des idoles seraient abattus et que parmi toutes les nations et en tous les lieux du monde lui serait offerte une hostie pure, non point des animaux.

324. qu’il serait roi des juifs et des gentils, et voilà ce roi des juifs et des gentils opprimé par les uns et les autres qui conspirent à sa mort dominant des uns et des autres, et détruisant et le culte de Moïse dans Jérusalem, qui en était le centre, dont il fait sa première église et le culte des idoles dans Rome qui en était le centre et dont il fait sa principale église.

325. qu’il enseignerait aux hommes la voie parfaite. Et jamais il n’est venu ni devant ni après aucun homme qui ait enseigné rien de divin approchant de cela.

326. et ce qui couronne tout cela est la prédiction afin qu’on ne dit point que c’est le hasard qui l’a fait. Quiconque n’ayant plus que 8 jours à vivre ne trouvera pas que le parti est de croire que tout cela n’est pas un coup du hasard. Or si les passions ne nous tenaient point, 8 jours et cent ans sont une même chose.

327. après que bien des gens sont venus devant il est venu enfin J.-C. dire : me voici et voici le temps où les juifs vont . Ce que les prophètes ont dit devoir advenir dans la suite des temps je vous dis que mes apôtres le vont faire. Les juifs vont être rebutés. Hiérusalem sera bientôt détruite et les païens vont entrer dans la connaissance de Dieu. Mes apôtres le vont faire après que vous aurez tué l’héritier de la vigne. Et puis les apôtres ont dit aux juifs : vous allez être maudits. Celsus s’en moquait. Et aux païens : vous allez entrer dans la connaissance de Dieu, et cela est arrivé alors.

328. qu’alors on n’enseignera plus son prochain disant : voici le seigneur. Car Dieu se fera sentir à tous. Vos fils prophétiseront. Je mettrai mon esprit et ma crainte en votre coeur. Tout cela est la même chose. Prophétiser c’est parler de Dieu, non par preuves de dehors, mais par sentiment intérieur et immédiat.

329. que J.-C. serait petit en son commencement et croîtrait ensuite. La petite pierre de Daniel. Si je n’avais ouï parler en aucune sorte du messie, néanmoins après les prédictions si admirables de l’ordre du monde que je vois accomplies, je vois que cela est divin et si je savais que ces mêmes livres prédissent un messie je m’assurerais qu’il serait certain, et voyant qu’ils mettent son temps avant la destruction du 2 temple je dirais qu’il serait venu.

330. prophéties. La conversion des Egyptiens. Is. 19 19. Un autel en Egypte au vrai Dieu.

331. au temps du messie ce peuple se partage. Les spirituels ont embrassé le messie, les grossiers sont demeurés pour lui servir de témoins.

332. prophéties. Quand un seul homme aurait fait un livre des prédictions de J.-C. pour le temps et pour la manière et que J-C serait venu conformément à ces prophéties ce serait une force infinie. Mais il y a bien plus ici. C’est une suite d’hommes durant quatre mille ans qui constamment et sans variations viennent l’un ensuite de l’autre prédire ce même avènement. C’est un peuple tout entier qui l’annonce et qui subsiste depuis 4000 années pour rendre en corps témoignages des assurances qu’ils en ont, et dont ils ne peuvent être divertis par quelques menaces et persécutions qu’on leur fasse. Ceci est tout autrement considérable.

333. prophéties. Le temps prédit par l’état du peuple juif, par l’état du peuple païen, par l’état du temple, par le nombre des années.

334. osée etc. Isaïe etc. Je l’ai prédit depuis longtemps afin qu’on sût que c’est moi. Etc. Jaddus à Alexandre.

335. la plus grande des preuves de J.-C. sont les prophéties. C’est à quoi Dieu a le plus pourvu, car l’événement qui les a remplies est un miracle subsistant depuis la naissance de l’Eglise jusques à la fin. Aussi Dieu a suscité des prophètes durant 1600 ans et pendant 400 ans après il a dispersé toutes ces prophéties avec tous les juifs qui les portaient dans tous les lieux du monde. Voilà quelle a été la préparation à la naissance de J.-C. dont l’Evangile devant être cru de tout le monde, il a fallu non seulement qu’il y ait eu des prophéties pour le faire croire mais que ces prophéties fussent par tout le monde pour le faire embrasser par tout le monde.

336. il faut être hardi pour prédire une même chose en tant de manières. Il fallait que l(es) 4 monarchies, idolâtres ou païennes, la fin du règne de Juda, et les 70 semaines arrivassent en même temps, et le tout avant que le 2e temple fût détruit.

337. Hérode crut le messie. Il avait ôté le sceptre de Juda, mais il n’était pas de Juda. Cela fit une secte considérable. Et Barcosba et un autre reçu par les juifs. Et le bruit qui était partout en ce temps-là. Suet. — Tacite. Josèphe. Comment fallait-il que fût le messie, puisque par lui son arrivée le sceptre devait être ôté de Juda. Pour faire qu’en voyant ils ne voient point et qu’en entendant ils n’entendent point rien ne pouvait être mieux fait. Malédiction des grecs contre ceux qui comptent les périodes des temps.

338. prédiction. Qu’en la 4e monarchie, avant la destruction du 2e temple, avant que la domination des juifs fût ôtée en la 70 e semaine de Daniel, pendant la durée du 2e temple les païens seraient instruits et amenés à la connaissance du Dieu adoré par les juifs, que ceux qui l’aiment seraient délivrés de leurs ennemis, remplis de sa crainte et de son amour. Et il est arrivé qu’en la 4e monarchie avant la destruction du 2e temple etc. Les païens en foule adorent Dieu et mènent une vie angélique. Les filles consacrent à Dieu leur virginité et leur vie, les hommes renoncent à tous plaisirs. Ce que Platon n’a pu persuader à quelque peu d’hommes choisis et si instruits une force secrète le persuade à cent milliers d’hommes ignorants, par la vertu de peu de paroles. Les riches quittent leurs biens, les enfants quittent la maison délicate de leurs pères pour aller dans l’austérité d’un désert, etc. Voyez Philon Juif. Qu’est-ce que tout cela ? C’est ce qui a été prédit si longtemps auparavant ; depuis 2000 années aucun païen n’avait adoré le Dieu des juifs et dans le temps prédit la foule des païens adore cet unique Dieu. Les temples sont détruits, les rois mêmes se soumettent à la croix. Qu’est-ce que tout cela ? C’est l’esprit de Dieu qui est répandu sur la terre. Nul païen depuis Moïse jusqu’à J.-C. selon les rabbins mêmes ; la foule des païens après J.-C. croit les livres de Moïse et en observe l’essence et l’esprit et n’en rejette que l’inutile. Les prophètes ayant donné diverses marques qui devaient toutes arriver à l’avènement du messie il fallait que toutes ces marques arrivassent en même temps. Ainsi il fallait que la quatrième monarchie fût venue lorsque les septante semaines de Daniel seraient accomplies et que le sceptre fut alors ôté de Juda. Et tout cela est arrivé sans aucune difficulté et qu’alors il arrivât le messie et J.-C. est arrivé alors qui s’est dit le messie et tout cela est encore sans difficulté et cela marque bien la vérité de prophétie.

340. donc J-C était le messie puisqu’ils n’avaient plus de roi qu’un étranger et qu’ils n’en voulaient point d’autre.

341. prophéties. Les 70 semaines de Daniel sont équivoques pour le terme du commencement à cause des termes de la prophétie. Et pour le terme de la fin à cause des diversités des chronologistes. Mais toute cette différence ne va qu’à 200 ans.

342. prophéties. Le sceptre ne fut point interrompu par la captivité de Babylone à cause que leur retour était prompt et prédit.

343. prophéties. Le grand pan est mort.

344. que peut-on avoir sinon de la vénération d’un homme qui prédit clairement des choses qui arrivent et qui déclare son dessein et d’aveugler et d’éclaircir et qui mêle des obscurités parmi des choses claires qui arrivent.

345. vocation des gentils par Jésus-Christ.

346. prédictions. Il est prédit qu’au temps du messie il viendrait établir une nouvelle alliance qui ferait oublier la sortie d’Egypte qui mettrait sa loi non dans l’extérieur mais dans le coeur, qu’il mettrait sa crainte qui n’avait été qu’au dehors, dans le milieu du coeur... qui ne voit la loi chrétienne en tout cela ?

347. prophétie. Que les juifs réprouveraient J.-C. et qu’ils seraient réprouvés de Dieu par cette raison ; que la vigne élue ne donnerait que du verjus ; que le peuple choisi serait infidèle, ingrat et incrédule etc. Que Dieu les frappera d’aveuglement et qu’ils tâtonneront en plein midi comme des aveugles. Qu’un précurseur viendrait avant lui.

348. le règne éternel de la race de David, 2. Chron. Par toutes les prophéties et avec serment. Et n’est point accompli temporellement.

XXV. FIGURES PARTICULIERES

349. Figures particulières. Double loi, doubles tables de la loi, double temple, double captivité.

350. Joseph croise ses bras et préfère le jeune.

XXVI. MORALE CHRETIENNE

351. Le christianisme est étrange ; il ordonne à l’homme de reconnaître qu’il est vil et même abominable, et lui ordonne de vouloir être semblable à Dieu. Sans un tel contrepoids cette élévation le rendrait horriblement vain, ou cet abaissement le rendrait horriblement abject.

352. la misère persuade le désespoir. L’orgueil persuade la présomption. L’incarnation montre à l’homme la grandeur de sa misère par la grandeur du remède qu’il a fallu.

353. non pas un abaissement qui nous rende incapables du bien ni une sainteté exempte de mal.

354. il n’y a point de doctrine plus propre à l’homme que celle-là qui l’instruit de sa double capacité de recevoir et de perdre la grâce à cause du double péril où il est toujours exposé de désespoir ou d’orgueil.

355. de tout ce qui est sur la terre, il ne prend part qu’aux déplaisirs non aux plaisirs. Il aime ses proches, mais sa charité ne se renferme pas dans ces bornes et se répand sur ses ennemis et puis sur ceux de Dieu.

356. quelle différence entre un soldat et un chartreux quant à l’obéissance ? Car ils sont également obéissants et dépendants, et dans des exercices également pénibles, mais le soldat espère toujours devenir maître et ne le devient jamais, car les capitaines et princes mêmes sont toujours esclaves et dépendants, mais il l’espère toujours, et travaille toujours à y venir, au lieu que le chartreux fait voeu de n’être jamais que dépendant. Ainsi ils ne différent pas dans la servitude perpétuelle, que tous deux ont toujours, mais dans l’espérance que l’un a toujours et l’autre jamais.

357. nul n’est heureux comme un vrai chrétien, ni raisonnable, ni vertueux, ni aimable.

358. avec combien peu d’orgueil un chrétien se croit-il uni à Dieu. Avec combien peu d’abjection s’égale (-t-) il aux vers de la terre. La belle manière de recevoir la vie et la mort, les biens et les maux.

359. les exemples des morts généreuses des lacédémoniens et autres, ne nous touchent guère, car qu’est-ce que cela nous apporte. Mais l’exemple de la mort des martyrs nous touche car ce sont nos membres. Nous avons un lien commun avec eux. Leur résolution peut former la nôtre, non seulement par l’exemple, mais parce qu’elle a peut-être mérité la nôtre. Il n’est rien de cela aux exemples des païens. Nous n’avons point de liaison à eux. Comme on ne devient pas riche pour voir un étranger qui l’est, mais bien pour voir son père ou son mari qui le soient.

360. Commencement des membres pensants. Morale. Dieu ayant fait le ciel et la terre qui ne sentent point le bonheur de leur être, il a voulu faire des êtres qui le connussent et qui composassent un corps de membres pensants. Car nos membres ne sentent point le bonheur de leur union, de leur admirable intelligence, du soin que la nature a d’y influer les esprits et de les faire croître et durer. Qu’ils seraient heureux s’ils le sentaient, s’ils le voyaient, mais il faudrait pour cela qu’ils eussent intelligence pour le connaître, et bonne volonté pour consentir à celle de l’âme universelle. Que si ayant reçu l’intelligence ils s’en servaient à retenir en eux-mêmes la nourriture, sans la laisser passer aux autres membres, ils seraient non seulement injustes mais encore misérables, et se haïraient plutôt que de s’aimer, leur béatitude aussi bien que leur devoir consistant à consentir à la conduite de l’âme entièr(e) à qui ils appartiennent, qui les aime mieux qu’ils ne s’aiment eux-mêmes.

361. es-tu moins esclave pour être aimé et flatté de ton maître ; tu as bien du bien, esclave, ton maître te flatte. Il te battra tantôt.

362. la volonté propre ne satisfera jamais, quand elle aurait pouvoir de tout ce qu’elle veut ; mais on est satisfait dès l’instant qu’on y renonce. Sans elle on ne peut être malcontent ; par elle on ne peut être content.

363. ils laissent agir la concupiscence et retiennent le scrupule, au lieu qu’il faudrait faire au contraire.

364. c’est être superstitieux de mettre son espérance dans les formalités, mais c’est être superbe de ne vouloir s’y soumettre.

365. l’expérience nous fait voir une différence énorme entre la dévotion et la bonté.

366. deux sortes d’hommes en chaque religion. Superstition, concupiscence.

367. point formalistes. Quand St Pierre et les apôtres délibèrent d’abolir la circoncision où il s’agissait d’agir contre la loi de Dieu, ils ne consultent point les prophètes mais simplement la réception du Saint Esprit en la personne des incirconcis. Ils jugent plus sûr que Dieu approuve ceux qu’il remplit de son esprit que non pas qu’il faille observer la loi. Ils savaient que la fin de la loi n’était que le Saint Esprit et qu’ainsi puisqu’on l’avait bien sans circoncision elle n’était pas nécessaire.

368. membres. Commencer par là. Pour régler l’amour qu’on se doit à soi-même il faut s’imaginer un corps plein de membres pensants, car nous sommes membres du tout, et voir comment chaque membre devrait s’aimer, etc.

369. république. La république chrétienne et même judaïque n’a eu que Dieu pour maître comme remarque Philon Juif, De la monarchie . Quand ils combattaient ce n’était que pour Dieu et n’espéraient principalement que de Dieu. Ils ne considéraient leurs villes que comme étant à Dieu et les conservaient pour Dieu. (...).

370. pour faire que les membres soient heureux il faut qu’ils aient une volonté et qu’ils la conforment au corps.

371. qu’on s’imagine un corps plein de membres pensants.

372. etre membre est n’avoir de vie, d’être et de mouvement que par l’esprit du corps. Et pour le corps, le membre séparé ne voyant plus le corps auquel il appartient n’a plus qu’un être périssant et mourant. Cependant il croit être un tout et ne se voyant point de corps dont il dépende, il croit ne dépendre que de soi et veut se faire centre et corps lui-même. Mais n’ayant point en soi de principe de vie il ne fait que s’égarer et s’étonne dans l’incertitude de son être, sentant bien qu’il n’est pas corps, et cependant ne voyant point qu’il soit membre d’un corps. Enfin quand il vient à se connaître il est comme revenu chez soi et ne s’aime plus que pour le corps. Il plaint ses égarements passés. Il ne pourrait pas par sa nature aimer une autre chose sinon pour soi-même et pour se l’asservir parce que chaque chose s’aime plus que tout. Mais en aimant le corps il s’aime soi-même parce qu’il n’a d’être qu’en lui, par lui et pour lui. Le corps aime la main, et la main si elle avait une volonté devrait s’aimer de la même sorte que l’âme l’aime ; tout amour qui va au delà est injuste. (...) ; on s’aime parce qu’on est membre de J.-C. ; on aime J.-C. parce qu’il est le corps dont on est membre. Tout est un. L’un est en l’autre comme les trois personnes.

373. il faut n’aimer que Dieu et ne haïr que soi. Si le pied avait toujours ignoré qu’il appartînt au corps et qu’il y eut un corps dont il dépendit, s’il n’avait eu que la connaissance et l’amour de soi et qu’il vînt à connaître qu’il appartient à un corps duquel il dépend, quel regret, quelle confusion de sa vie passée, d’avoir été inutile au corps qui lui a influé la vie, qui l’eût anéanti s’il l’eût rejeté et séparé de soi, comme il se séparait de lui. Quelles prières d’y être conservé ! Et avec quelle soumission se laisserait-il gouverner à la volonté qui régit le corps, jusqu’à consentir à être retranché s’il le faut ! Ou il perdrait sa qualité de membre ; car il faut que tout membre veuille bien périr pour le corps qui est le seul pour qui tout est.

374. si les pieds et les mains avaient une volonté particulière, jamais ils ne seraient dans leur ordre qu’en soumettant cette volonté particulière à la volonté première qui gouverne le corps entier. Hors de là ils sont dans le désordre et dans le malheur ; mais en ne voulant que le bien du corps, ils font leur propre bien.

375. les philosophes ont consacré les vices en les mettant en Dieu même ; les chrétiens ont consacré les vertus.

376. 2 lois suffisent pour régler toute la république chrétienne, mieux que toutes les lois politiques.

XXVII. CONCLUSION

377. Qu’il y a loin de la connaissance de Dieu à l’aimer.

378. si j’avais vu un miracle, disent-ils, je me convertirais. Comment assurent-ils qu’ils feraient ce qu’ils ignorent. Ils s’imaginent que cette conversion consiste en une adoration qui se fait de Dieu comme un commerce et une conversation telle qu’ils se la figurent. La conversion véritable consiste à s’anéantir devant cet être universel qu’on a irrité tant de fois et qui peut vous perdre légitimement à toute heure, à reconnaître qu’on ne peut rien sans lui et qu’on n’a rien mérité de lui que sa disgrâce. Elle consiste à connaître qu’il y a une opposition invincible entre Dieu et nous et que sans un médiateur il ne peut y avoir de commerce.

379. les miracles ne servent pas à convertir mais à condamner. (...).

380. ne vous étonnez pas de voir des personnes simples croire sans raisonnement. Dieu leur donne l’amour de soi et la haine d’eux-mêmes. Il incline leur coeur à croire. On ne croira jamais, d’une créance utile et de foi si Dieu n’incline le coeur et on croira dès qu’il l’inclinera. Et c’est ce que David connaissait bien. (...).

381. Ceux qui croient sans avoir lu les Testaments c’est parce qu’ils ont une disposition intérieure toute sainte et que ce qu’ils entendent dire de notre religion y est conforme. Ils sentent qu’un Dieu les a faits. Ils ne veulent aimer que Dieu, ils ne veulent haïr qu’eux-mêmes. Ils sentent qu’ils n’en ont pas la force d’eux-mêmes, qu’ils sont incapables d’aller à Dieu et que si Dieu ne vient à eux ils sont incapables d’aucune communication avec lui et ils entendent dire dans notre religion qu’il ne faut aimer que Dieu et ne haïr que soi-même, mais qu’étant tous corrompus et incapables de Dieu, Dieu s’est fait homme pour s’unir à nous. Il n’en faut pas davantage pour persuader des hommes qui ont cette disposition dans le coeur et qui ont cette connaissance de leur devoir et de leur incapacité.

382. connaissance de Dieu. Ceux que nous voyons chrétiens sans la connaissance des prophéties et des preuves ne laissent pas d’en juger aussi bien que ceux qui ont cette connaissance. Ils en jugent par le coeur comme les autres en jugent par l’esprit. C’est Dieu lui même qui les incline à croire et ainsi ils sont très efficacement persuadés. J’avoue bien qu’un de ces chrétiens qui croient sans preuves n’aura peut être pas de quoi convaincre un infidèle, qui en dira autant de soi, mais ceux qui savent les preuves de la religion prouveront sans difficulté que ce fidèle est véritablement inspiré de Dieu, quoi qu’il ne peut le prouver lui-même. Car Dieu ayant dit dans ses prophètes, (qui sont indubitablement prophètes) que dans le règne de J.-C. il répandrait son esprit sur les nations et que les fils, les filles et les enfants de l’Eglise prophétiseraient il est sans doute que l’esprit de Dieu est sur ceux-là et qu’il n’est point sur les autres.

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